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581. (1890) Dramaturges et romanciers

Pourquoi donc s’étonner que les courtisanes n’aient pas de vertus ? […] Ces épisodes nous représentent : l’un, les joies de la vertu triomphante ; l’autre, les crimes et les noirceurs de la passion coupable. La vertu est représentée par la duchesse Blanche de Sauves, cousine de Raoul. […] Sa vertu est-elle vraiment d’aussi bon aloi que nous l’affirme M.  […] comme son scepticisme le tient en garde contre les pièges de la fausse vertu et le jargon du faux amour !

582. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Car enfin, est-ce pour ses vertus que nous l’aimons ? […] Prends garde, femme de vertu ! […] Il a été pour nous la planche dans le naufrage, car il est remarquable que, dans la Révolution, c’est par l’honneur qu’on est rentré dans la morale ; c’est l’honneur qui a fait l’émigration ; c’est l’honneur qui a ramené aux idées religieuses. » Or l’honneur fut éminemment la vertu de Chateaubriand, et fut peut-être sa seule vertu. […] Il avait ses vertus, nous le savons : bonté, désintéressement, mépris de l’argent, sentiment jaloux de l’honneur. Mais la conscience qu’il avait de ses vertus le rendait fort indulgent pour lui-même et peu attentif à ses propres sottises.

583. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Il nous rend à merveille le fin mot de cette Cour romaine du xvie  siècle, ce qui la distingue en général des autres Cours par son caractère de douceur, de finesse et de ruse : Marcher d’un grave pas et d’un grave sourcil, Et d’un grave souris à chacun faire fête, Balancer tous ses mots, répondre de la tête, Avec un Messer non, ou bien un Messer si ; Entremêler souvent un petit E cosi, Et d’un son Servitor contrefaire l’honnête, Et comme si l’on eût sa part en la conquête, Discourir sur Florence et sur Naples aussi ; Seigneuriser chacun d’un baisement de main, Et, suivant la façon du courtisan romain, Cacher sa pauvreté d’une brave apparence : Voilà de cette Cour la plus grande vertu, Dont souvent mal monté, mal sain et mal vêtu, Sans barbe et sans argent on s’en retourne en France. […] Et qui seroit si fol de se vouloir dorénavant travailler l’esprit pour faire quelque chose de bon et digne de la postérité, ayant perdu la faveur d’un si bon prince et la présence d’une telle princesse, qui, depuis la mort de ce grand roi François, père et instaurateur des bonnes lettres, étoit demourée l’unique support et refuge de la vertu et de ceux qui en font profession ? Je ne puis continuer plus longuement ce propos sans larmes, je dis les plus vraies larmes que je pleurai jamais : et vous prie m’excuser si je me suis laissé transporter si avant à mes passions, qui me sont, comme je m’assure, communes avecques vous et avecques tous ceux qui sont comme nous admirateurs de cette bonne et vertueuse princesse, et qui véritablement se ressentent du regret que son absence doit apporter à tous amateurs de la vertu. […] L’ennui l’assiège, et la goutte assassine, Rongeant les nœuds de ses doigts inégaux, Va se cacher sous la bague divine Dont la vertu guérit de tous les maux.

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