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327. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Pour nous, qui adoptons ces résultats et qui les goûtons, tout en sentant leur misère au prix de ce que nous avions rêvé, qui croyons à un perfectionnement social, bien lent toutefois et de plus en plus difficile grâce aux fautes de tous, nous continuons de nous tourner par instants vers ces horizons dont le vaste éclat enflammait notre aurore, vers ces noms que nous avons si souvent invoqués, espérant avoir à en reproduire les exemples et les vertus. […] Regrettant qu’on ait arrêté Louis XVI fugitif à Varennes, elle donne pour raison que, sans cette fâcheuse capture, la guerre civile devenant immanquable, la Nation allait forcément à cette grande école des vertus publiques. […] Ses invectives sur Garat, par exemple, sont d’une grande dureté, et ne laissent pas jour aux qualités secondaires de cet homme de talent, de sensibilité même, aimable, disert, aussi bon et aussi sincère qu’on peut l’être n’étant que sophiste brillant et sans la trempe de la vertu : pourtant, après avoir relu l’apologie de Garat lui-même en ses Mémoires, je trouve que, malgré les dénégations de l’écrivain et ses explications ingénieuses, analytiques, élégantes, les jugements de Mme Roland subsistent au fond et restent debout contre lui. […] Une éducation plus saine et plus solide, des fortunes plus modiques, des mariages plus d’accord avec les vraies convenances, devront sans doute associer de plus en plus, nous l’espérons, la femme et l’époux par l’intelligence comme par les autres parties de l’âme ; mais il n’y a pas lieu pour cela à transformer les anciennes vertus, ni même les grâces : il faut d’autant plus les préserver. […] Il est touchant de voir quel respect d’amour mistress Hutchinson porte à son noble époux, avec quelle modestie elle lui attribue toutes ses propres vertus. « Ce qu’elle était, c’était lui tant qu’il était présent ; et ce qu’elle est maintenant n’en est plus qu’une image décolorée. » Mais mistress Hutchinson et Mme Roland diffèrent autant d’ailleurs que les deux Révolutions qui les ont produites.

328. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan dit languissamment : « il n’y en a pas un seul de vraisemblable », la vertu n’est plus que « cette déception suprême qui nous pousse à nous sacrifier à une fin hors de nos intérêts les plus clairs », et comme il faut essayer pourtant d’expliquer une chose si monstrueusement incompréhensible, M.  […] Un jour, — pose-t-il, — la science remplacera tout : la vertu, les arts, la poésie : « Alors, un homme vertueux » (textuel), « un grand artiste, seront choses vieillies et inutiles. » Les savants, au contraire, — les Renan et les Berthelot de ce temps-là, — vaudront davantage. […] Renan, pour obéir à ses devoirs d’empereur et d’homme d’État, charge d’âmes qu’il devait préférer aux corps et lutte de vertus !!! […] Il le fut enfin de lui-même, qui commanda froidement l’affreuse persécution des Gaules et le massacre des martyrs de Lyon… par vertu d’empereur, ce que M.  […] — Nous aimons que l’homme vertueux dise de temps à autre : “Vertu, tu n’es qu’un mot !

329. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Un vers isolé dans quelque commentaire nous atteste ‘qu’il avait composé des hymnes aux dieux ; et les siècles, à travers tant de ruines, ont conservé son hymne à la Vertu, souvenir de reconnaissance à la mémoire de son ami, l’eunuque Hermias, gouverneur d’une ville d’Asie. […] Plus tard, on regrettera que cette vertu contemplative dégénère aussi, comme la vertu civique, et qu’elle s’égare par le sophisme, se corrompe par la mollesse.

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