« Regardez le monde tel que vous l’avez vu dans vos premières années, et tel que vous le voyez aujourd’hui ; une nouvelle cour a succédé à celle que vos premiers ans ont vue ; de nouveaux personnages sont montés sur la scène, les grands rôles sont remplis par de nouveaux acteurs : ce sont de nouveaux événements, de nouvelles intrigues, de nouvelles passions, de nouveaux héros, dans la vertu comme dans le vice, qui sont le sujet des louanges, des dérisions, des censures publiques. […] Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Tel qu’il est cependant, et au point de vue où le livre de Michelet nous a placés, c’est un enseignement qui fait du bien et qui redresse… Les Femmes de l’Évangile sont plus que de l’histoire ; mais elles sont aussi de l’histoire, et, comme tout se tient dans la vérité et dans le Christianisme, elles peuvent démontrer, à ceux qui croiraient à l’héroïsme des femmes là où le met Michelet, l’erreur profonde dans laquelle il s’enfonce sur leur destinée et sur leurs vertus. […] Les héroïnes de Michelet, toutes ces femmes modernes qui ne sont pas de vraies chrétiennes, toutes ces femmes plus ou moins libres, avec les droits politiques qu’elles rêvent ou jalousent, avec leurs vaniteuses invasions dans les lettres et dans les arts, avec cet amour de la gloire, le deuil éclatant du bonheur, disait madame de Staël, et qui est le deuil aussi de la vertu ; toutes ces femmes, il ne faut pas s’y tromper !
Il y a eu, il y a, il y aura des femmes illustres par le talent littéraire, sans que cette célébrité ait coûté rien aux vertus de leur sexe, témoins Vittoria Colonna en Italie et madame de Sévigné en France. […] C’était un théâtre domestique de vertu privée, servant à accréditer l’homme public. […] Madame Necker faisait déclamer la vertu ; M. […] Il ne fut troublé que plus tard par des séparations de fortune dans l’intérêt des enfants, séparations de biens qui amenèrent des séparations de personnes ; mais, quoique relâchés et peu intimes, les rapports entre deux époux si disproportionnés de nature, d’âge et d’opinion, conservèrent toujours la décence, cette seule vertu que le monde avait le droit de demander alors à ces unions de convenance. […] L’extrême en tout, c’est le vice et la vertu de cette nation.