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626. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Son père, médecin, était venu se fixer là, après avoir fait une campagne dans la guerre d’Amérique sous Rochambeau ; homme de bien et d’honneur, il a laissé dans le pays des souvenirs que quarante années écoulées depuis ont à peine effacés. […] Quand, sur un fonds d’organisation héréditaire aussi ferme et aussi nettement tracé, un talent singulier vient à se poser et à éclore, quand un grand don de gloire vient à éclater, quand l’éloquence, par exemple, la parole de feu descend, elle trouve de quoi la porter et l’encadrer : c’est comme l’encens qui d’avance a son autel, c’est comme l’holocauste qui s’allume sur le rocher. […] Son droit fini, il vint faire à Paris son stage, vers 1822. […] On ne peut lire tout haut cette oraison funèbre sans qu’une larme, pour ainsi dire perpétuelle, ne vienne mouiller la paupière et entrecouper la voix. […] Vous en faites un Balzac ridicule ; Érasme n’était qu’un Voltaire modéré, un Fontenelle au goût littéraire plus sain, le précurseur de Rabelais sans ivresse, un sage qui, venu trop tôt et placé entre des partis extrêmes dont il ne pouvait épouser aucun, demandait la permission de rester neutre.

627. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Aujourd’hui donc je ne viens rien conseiller, mais je veux simplement jeter un coup d’œil sur l’état actuel de la poésie, et sur le mouvement qu’elle a suivi dans ces dernières années. […] La velléité de publier peut quelquefois leur venir, mais l’occasion manque, la modestie l’emporte, l’habitude de se contenir prend le dessus. […] Émile Augier ont formé une sorte d’école ou l’élégie grecque et latine est venue s’essayer et faire épisode au théâtre. […] De jolis détails de mœurs, des vers qui peignent des coins de paysages et de courtil, viennent en aide, on le conçoit, à ce canevas si simple, mais, selon moi, trop simple. […] Le chevreuil, il nous le peint d’un trait net et bien venu : Dans un bois du canton pris dès son plus jeune âge, Il était familier, bien qu’au fond tout sauvage : Aux heures des repas, gentiment dans la main Il s’en venait manger et des fruits et du pain.

628. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Une idée qui vint d’abord à d’Antin, c’est que, pour plaire au roi, il fallait être magnifique et faire de la dépense ; pour y subvenir, à défaut des secours de Mme de Montespan, il s’appliqua au jeu, et il en tira de grosses sommes. […] J’ai lu à la Bibliothèque nationale, dans le Recueil dit de Maurepas, toutes les chansons satiriques qui ont trait à cette affaire et auxquelles le récit de Saint-Simon vient prêter appui : elles sont la plupart trop plates ou trop ordurières pour pouvoir être citées. Ce sont là, d’ailleurs, des points délicats où il nous est impossible, à cette distance, de venir prononcer un jugement. […] Peu de jours après cette visite à Petit-Bourg, le roi, qu’il avait suivi à Fontainebleau, lui donna le gouvernement de l’Orléanais, qui était venu à vaquer. […] Ceux qui n’avaient point encore découvert leur attachement pour lui commençaient à lever la tête ; on allait, on venait, on s’assemblait ; on réglait tout, on partageait tout.

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