Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ». […] Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire ». — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme.
L’analyse que nous avons faite des rapports entre le génie et le milieu nous permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. […] Pour bien comprendre une œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, de manière à ce qu’elle acquière à nos yeux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre.
Persuadée que les romans ne sont au fond que des poëmes épiques en prose, elle imagina d’en composer qui contînssent des histoires véritables sous des noms déguisés. […] Rien de plus ridicule & de plus contraire au bien de la litterature, que ces petites sociétés provinciales qui, loin de faire de véritables gens de lettres, ne font que des fainéans & des membres à charge à l’état.