Qu’il y a eu, avant ce déluge général ou même partiel, attesté par toutes les traditions orientales, une époque de civilisation supérieure à ce qui fut après ce cataclysme de l’humanité ; que cette époque de civilisation antédiluvienne touchait de plus près elle-même à une autre époque encore supérieure en innocence, en science, en facultés, en félicités de l’homme ici-bas avant cette grande et mystérieuse déchéance, tradition universelle aussi, qui chassa l’humanité primitive de ce demi-ciel appelé l’Éden ou le jardin ; que des traditions de cette philosophie de l’Éden ou du jardin avaient survécu dans l’humanité déchue, et qu’enfin, après le second naufrage de l’humanité antédiluvienne, quelques grandes vérités et quelques grandes philosophies, restées dans la mémoire de quelques sages ou prophètes échappés à l’inondation universelle ou partielle, avaient surnagé, et inspiraient encore de temps en temps l’esprit de l’homme dans l’Orient, scène encore humide de la grande catastrophe. […] Est-ce qu’il y a une scène et un dialogue au monde comparables, en majesté tragique, en intérêt personnel, en pathétique universel, à cette scène et à ce dialogue entre le Créateur et sa créature ? […] Ouvrez les codes indiens, ouvrez les codes de la Chine, ouvrez les codes de la Perse, ouvrez les codes de la Grèce, ouvrez ceux de Bouddha, Zoroastre, Confucius, Pythagore, Socrate, Platon, Moïse, le dogme varie, les mœurs changent ; la conscience est innée et universelle. […] Le point de vue universel et infini du Créateur doit être tellement différent du point de vue étroit, fini et ténébreux, de la créature, que, par cela seul qu’une pensée métaphysique paraît vérité pour l’homme, elle peut paraître erreur, petitesse et chimère à Dieu. […] Quand on ne peut pas combattre corps à corps un destin plus fort que nous et qui nous raille d’un bout à l’autre de l’histoire, il y a encore un moyen de se venger de lui : c’est d’en rire ; c’est de se faire soi-même le bouffon de cette destinée, de se moquer des hommes et de soi, de prendre sa part de cette risée universelle qui éclate depuis le commencement du monde jusqu’à nous, derrière le rideau de la scène humaine, et de dire, comme Salomon (ce faux sage) le disait déjà de son temps : « Aimons, rions, buvons, amusons-nous ; tout le reste est vanité !
Le premier devoir et le premier droit d’un homme qui écrit sur la littérature universelle du genre humain, c’est d’être lui-même universel, c’est de s’élever par conséquent au-dessus des amours-propres, des préjugés, des superstitions d’esprit, des fanatismes nationaux de sa patrie et de son temps, pour juger les hommes par leurs œuvres et non par leurs prétentions. […] Elle n’a pas la théosophie contemplative de l’Inde ; elle n’a pas le rationalisme obstiné, inventif et législateur de la Chine ; elle n’a pas la fécondité de chimères, l’instinct du merveilleux de l’Arabie ; elle n’a pas l’art exquis et universel de la Grèce ; elle n’a pas la constance et l’austérité de la vieille Rome ; elle n’a pas la grâce et la mollesse de l’Italie moderne ; elle n’a pas la philosophie spéculative et planante sans toucher terre de l’Allemagne ; elle n’a pas le génie du grandiose et du chevaleresque de l’Espagne ; elle n’a pas le génie des aventures épiques des Portugais ; elle n’a pas l’indélébile originalité de l’Angleterre. […] Plusieurs ne sont que des discours en vers sur des généralités de morale, heureusement rimées, mais infiniment au-dessous des discours en vers de Voltaire, un des chefs-d’œuvre de cet esprit universel. […] Non, la France avait, avec son inexpérience, cette universelle aptitude qui allait lui donner, homme à homme, selon l’heure et selon le besoin, non pas la supériorité, mais la direction de l’esprit de l’Europe. […] Il fut un des fondateurs de cette monarchie du goût, qui fut d’abord française, et qui, grâce à l’unité de l’esprit humain qui se constitue de plus en plus en Europe, devient maintenant universelle.
Celle qu’il a trouvée, il la croitaussitôt divine, universelle ; il l’adore, il la prêche, il s’indigne qu’on hésite à l’embrasser. […] Jugeant à chaque instant les choses si désespérées, les sentant si intolérables, il est d’une impatience de les voir changer que rien n’égale, et présageant le lendemain selon son désir, il annonce sans cesse une révolution, un bouleversement imminent et universel, cataclysme social, schisme, hérésie en religion, excès du mal, d’où naîtra le remède. […] je l’ignore ; mais je sais qu’elle ne peut renaître qu’après un bouleversement complet et universel… Cela ne m’empêchera pas de lutter jusqu’au bout.