Qu’elle ait tort ou raison en cela, peu importe ; seulement, comme on ne risque pas beaucoup de se tromper en prophétisant que cette société ne sera pas vaincue, il semble bien que le plus sage serait d’en accepter de bon cœur les conditions nouvelles, au lieu de l’anathématiser et de ne s’y soumettre que comme à une nécessité douloureuse quand il est tout à fait impossible de faire autrement. […] « Ceux qui croiraient que la philosophie positive nie ou affirme quoi que ce soit là-dessus se tromperaient : elle ne nie rien, elle n’affirme rien, car nier ou affirmer, ce serait déclarer que l’on a une connaissance quelconque de l’origine des êtres et de leur fin. […] Si l’une des églises est dans le vrai, l’autre se trompe, et réciproquement.
Nous ne devons pas exprimer au dehors toute notre existence intérieure ; il en est une partie qui, n’étant que pour nous, doit rester entièrement nôtre ; la raison nous le dit, et, si la raison ne nous trompe pas, il est inutile que nous croyions externer ce qui doit rester interne et reste tel en effet ; quand on est raisonnable, mieux vaut l’être jusqu’au bout ; être raisonnable et s’imaginer qu’on ne l’est pas, c’est ne pas l’être entièrement, c’est mêler un grain de folie à une sagesse qui, dès lors, est imparfaite. […] Autant vaudrait dire que la parole intérieure est une hallucination qui n’a aucun des caractères de l’hallucination ; car l’hallucination proprement dite, si souvent décrite par les aliénistes, est un phénomène intermittent, toujours anormal, presque toujours morbide, et surtout elle implique toujours une illusion : son élément caractéristique est le jugement d’extériorité que nous portons à tort, trompés par les caractères anormaux de certains états de conscience purement internes237. […] elle ne nous trompe jamais, et nous n’avons aucune peine à écarter une illusion dont les conditions font défaut : la parole intérieure ne possède aucun des caractères de l’extériorité ; elle n’est ni […], ni même […], comme le souvenir d’un visum ; par quoi serions-nous donc séduits à l’aliéner ?
Il le fut de sa femme Faustine, qui le trompa sans qu’il sût jamais s’il fut trompé. […] Assurément, s’il n’y avait dans ce volume que la personnalité de Marc-Aurèle, dont il porte le nom, l’examen serait bientôt fait d’un livre qui partage la niaiserie d’un Sganarelle impérial, trompé et content, digne, dans ses mœurs privées, de la comédie, mais dans ses mœurs publiques, tout aussi vulgairement atroce que les empereurs qui voulurent empêcher de croître, en l’arrosant de sang, le chêne catholique qui à chaque versée poussait et croissait d’un empan de plus !