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318. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

L’historien du premier Consul a trop de perspicacité pour s’y tromper. […] Au fond, personne ne se trompait sur sa valeur : on savait bien que c’était un esprit médiocre, incapable de grandes combinaisons et entièrement dépourvu de génie politique ; mais on s’appuyait sur ses qualités réelles de général sage, prudent et vigoureux, pour en faire un capitaine supérieur et capable de tenir tête au vainqueur de l’Italie et de l’Égypte. […] La création des flottilles de bateaux plats pour transporter à travers le détroit l’invasion française en Angleterre, la concentration de deux mille bâtiments de guerre ou de transports à Boulogne, à Étaples, à Wimereux, à Ambleteuse ; une armée d’élite de cent soixante mille hommes campés comme une menace permanente au bord de ces rades, en vue de leur conquête, les revues, les exercices, les combats partiels des chaloupes canonnières contre les brûlots anglais, donnés comme un spectacle à l’armée dans ce cirque maritime pour entretenir son ardeur ; les négociations avec l’Autriche, la Hollande, la Russie, la Prusse, l’Espagne, pour faire concourir ces puissances à ce plan de la haine du monde contre la domination britannique des mers ; les lâchetés de l’Espagne, les réticences de la Russie, les temporisations de l’Autriche, les marchandages intéressés et les trahisons de la Prusse, mêlés à tout ce mouvement des flottes et des armées sur le littoral ; de grandes fautes diplomatiques commises par le premier Consul au milieu de ces prodiges d’activité militaire ; la pire de ces fautes, la confiance obstinée dans ce cabinet de Berlin, aussi peu sûr pour l’Allemagne qu’il démembre que pour la France qu’il trompe ou pour l’Angleterre qu’il trahit, tout cela forme du dix-septième livre de M.  […] « Que la France ne s’y trompe pas, elle n’aura ni paix ni repos jusqu’au moment où le dernier des individus de la famille des Bourbons sera exterminé. […] Distinguons cependant : lorsqu’elle avait voulu l’abolition du régime féodal, l’égalité devant la loi, l’uniformité de la justice, de l’administration et de l’impôt, l’intervention régulière de la nation dans le gouvernement de l’État, elle ne s’était point trompée ; elle n’avait aucun démenti à se donner, et elle ne s’en est donné aucun.

319. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’habitude de mentir n’est qu’un calcul malhonnête pour tromper les gens ou pour s’en faire estimer plus qu’on ne vaut. […] C’est pour que Sganarelle, en recueillant Célie chez lui, donne à sa femme le soupçon qu’il la trompe, et pour que celle-ci, à son tour, en venant au secours de Lélie, fasse croire à Sganarelle qu’il est en effet ce qu’il craint si fort d’être. […] Les personnages du Misanthrope ont assez d’esprit pour ne pas se tromper sur ce qui touche autrui, et pour se tromper par les plus jolies raisons du monde sur ce qui les touche eux-mêmes. […] Quant à l’Alceste du Misanthrope, si ce n’est pas là Molière tout entier, quoi de plus probable que, déjà trompé, mais toujours épris et plein de pardons, il ait peint dans Alceste ses emportements et son indulgence ?

320. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Ils se trompent même pour leur gloire. […] On se tromperait à chaque instant, et en voulant tout diviser on aurait tout confondu. […] XXVIII Cependant, une fois le devoir accompli par Nala, Damayanti lui jure qu’elle saura tromper la ruse des dieux déguisés en prétendants ; qu’elle le reconnaîtra, malgré toutes les apparences, entre tous, et qu’elle ne sera qu’à lui seul. […] Elle le cherche, et commence à soupçonner le déguisement des dieux, qui, pour parvenir à leur but, veulent tromper son amour. […] Écoutons le poète épique : « Nala, sous ce nom de Wacouba, choisit, dans les écuries du roi son maître, quatre coursiers aux flancs minces, aux muscles vigoureux, lançant la fumée et le feu par leurs naseaux roses, aux joues larges, au cœur palpitant. — Hé quoi”, lui dit le roi en les voyant, “veux-tu donc tromper mon impatience ?

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