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1354. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Cependant il s’est trouvé des poètes qui ont élevé à la dignité d’une doctrine et d’une théorie de l’art leur indifférence dédaigneuse pour tout ce qui touche les cœurs ou amuse les esprits. […] Si la religion du poète n’a rien d’autre à élever contre l’incroyance que le sentiment juste d’une convenance esthétique, c’est un faible rempart ; le flot monte et se rit des vaines théories. […] Il y avait là-dessus des théories et des métaphores toutes faites. […] » Cette bizarrerie est offerte à notre admiration ; voilà une jeune fille qui déclare en principe, en théorie, qu’elle sera trop heureuse, si elle aime sans être aimée. […] Guizot des généralisations trop ambitieuses et trop compréhensives : il a pu se tromper ; mais ses systèmes n’étaient point bâtis en l’air, ils avaient un fondement, et l’esprit humain ne peut pas se contenter de notions empiriques, il a besoin de théories.

1355. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Dumas est un singulier moraliste, avec sa théorie des fautes qui, « une fois révélées dans le confessionnal, perdent, pour ainsi dire, tout leur caractère social et ne sont plus sous la juridiction de ceux qu’elles pourraient léser… et qui, dès lors, n’auraient plus, pour les juger, l’indépendance d’esprit nécessaire ». […] Il y a déjà des chances sérieuses pour qu’un drame de tant de suc — et d’où l’on peut tirer ainsi, sans y rien ajouter, toute la théorie d’une passion, — ne soit ni banal, ni ennuyeux, ni médiocre. ) Nous savons à présent quels devront être les rôles des quatre personnages nécessaires dont j’ai dit les noms plus haut. […] Or, un étudiant de Pétersbourg, Rodion Romanowitch, épuisé par la misère, le cerveau hanté par les théories darwiniennes, tue, pour la voler, une vieille usurière. […]  » (Il faut entendre Dupuis dire cette phrase) — D’autre part, vous vous souvenez de la petite théorie développée par le don Juan de Molière : « Toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cœurs, etc. » De même, Barbe-Bleue : « Je n’aime pas une femme, j’aime toutes les femmes… C’est gentil, ça ! […] Une œuvre d’art est toujours ironique en ce sens qu’elle nous présente, en dehors de toute préoccupation vertueuse, des images du monde qui nous font au moins autant de plaisir que la vertu même… Quoi qu’il en soit, ce brave philosophe, que je comprends probablement tout de travers, trouverait, s’il vivait encore et s’il fréquentait les Variétés, de bien jolis exemples à l’appui de ses théories dans le théâtre essentiellement ironique et indiciblement élégant de MM. 

1356. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

À ce propos, je ne puis m’empêcher de citer cette singulière boutade d’un homme véritablement indigné par le mouvement de la littérature et par de nouvelles théories artistiques musicales et autres :   — Ce qui prouve, me disait-il, que l’art et la littérature sont devenus « choses inférieures », c’est qu’un groupe d’ignorants et de gens sans goût peuvent imposer leurs opinions, produire, sans qu’on en murmure trop, les œuvres les plus malsaines, montrer, écrire, faire entendre des bêtises et des horreurs, sous prétexte d’originalité et de progrès, et dire : — inclinez-vous aujourd’hui devant ces monstruosités, ce seront des chefs d’œuvre demain ! […] « Essayez d’appliquer seulement ces théories à la cuisine ; dites à des gens qui vont dîner d’avaler des compositions culinaires qui seront exécrables aujourd’hui, mais délicieuses dans dix ans ; instantanément vous aurez déchaîné une révolution. […] Va ramasser sa théorie !

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