Et quand il s’agit de termes abstraits, qui expriment des concepts tout intellectuels, associés dans l’idée de l’auteur par certaines relations logiques, l’inexactitude perpétuelle finit par devenir une erreur considérable, un contresens total. […] Il faut une transposition continuelle d’idées et de termes pour obtenir la pensée de Boileau en son vrai sens, dans son vrai jour. […] Mais la beauté, c’est la vérité : Rien n’est beau que le vrai… Mais le vrai, c’est la nature : La nature est vraie… Raison, vérité, nature, c’est donc tout un, et voici le terme où l’on aboutit. […] Ces deux équivalents, raison et nature, sont équivalents à un troisième terme, antiquité.
C’est, je pense, une détermination opiniâtre à blâmer contre toute justice, ou à louer sans aucun fondement ; c’est une prévention décidée qui ne permet de voir dans un Ouvrage que les défauts ou les bonnes qualités ; c’est juger plutôt l’Ecrivain que l’Ecrit ; c’est être enfin volontairement injuste : or, si je prouve qu’aucune de ces dispositions n’a dirigé mes jugemens, il sera démontré que ceux qui m’accusent de partialité ignorent ou feignent d’ignorer la véritable signification de ce terme. […] Mais quand même cet acharnement, dans la rigueur du terme, existeroit dans mon Ouvrage, comment les Philosophes pourroient-ils s’en plaindre ? […] Mais laissons-les avec leur acharnement & leur partialité ; il y a longtemps qu’ils abusent des terme, qu’ils confondent les idées, & qu’ils s’efforcent de donner au mensonge les couleurs de la vérité : nous en avons dit assez, pour prouver qu’on peut être leur adversaire déclaré, sans être injuste ni partial. […] L’Auteur du dernier Discours couronné à l’Académie Françoise, dit en propres termes, qu’il ne faut jamais avoir recours aux Grands dans les entreprises difficiles, parce que, quand même ils auroient du courage & du génie, ils sont incapables d’en faire usage, & ne s’occupent qu’à calculer des convenances, lorsque le bien public devroit absorber toutes leurs facultés.
Quel est son terme ? […] La raison Philosophique a beau murmurer & se plaindre, la raison Religieuse rend hommage à cette sage contrainte ; elle avoue qu’il n’y avoit qu’un Etre suprême qui pût connoître & le terme où son aveuglement commence, & le but qui doit diriger & affermir ses opérations ; elle le remercie des grandes vérités qu’il lui a apprises, comme s’il eût voulu la dédommager du joug qu’il lui a imposé. […] Tel est cependant le terme où vont aboutir toutes les méditations philosophiques. […] La Religion est austere & gênante ; c'est avouer qu'on est incapable de porter le joug des vertus qu'elle commande : elle est nuisible ; c'est fermer les yeux aux avantages les plus sensibles, les plus indispensables qu'elle procure à la société : ses devoirs excluent ceux du Citoyen ; c'est la calomnier manifestement, puisque le premier de ses préceptes est de remplir les obligations de son état : elle favorise le despotisme & l'autorité arbitraire des Princes ; c'est méconnoître son esprit, puisqu'elle déclare, dans les termes les plus énergiques, que les Souverains seront jugés, au Tribunal de Dieu, plus sévérement que les autres Hommes, & qu'ils paieront avec usure l'impunité dont ils ont joui sur la terre : la foi qu'elle exige contredit & humilie la raison ; c'est insulter à l'expérience & à la raison même, que de regarder comme humiliant un joug qui soutient cette raison toujours vacillante, toujours inquiete quand elle est abandonnée à elle seule, ainsi que les ennemis de la Foi en sont eux-mêmes convenus*.