À cet égard, le traitement que nous recevons du Temps dépend de l’accueil que nous lui faisons… Il est clément pour ceux qui, tels que vous, savent se tenir comme sur la pointe du pied au sommet de la colline de la vie, jetant un regard en bas avec plaisir sur la vallée qu’ils ont traversée, et de temps en temps étendant leurs ailes pour s’envoler avec espérance vers l’éternité… » Le charme de la correspondance de Cowper est dans cette succession d’images, de pensées et de nuances qui se déroulent avec une vivacité variée, mais d’un cours égal et paisible. […] Il me tient toujours sur le gril, et je dois attendre encore un mois avant d’avoir son arrêt. […] Tous ces gens-là lisent le Monthly Review, et tous me tiendront pour une bête si ces terribles critiques leur en montrent l’exemple. […] Cette rare personne était douée des plus heureux dons ; elle n’était plus très jeune ni dans la fleur de beauté ; elle avait, ce qui est mieux, une puissance d’attraction et d’enchantement qui tenait à la transparence de l’âme, une faculté de reconnaissance, de sensibilité émue jusqu’aux larmes pour toute marque de bienveillance dont elle était l’objet. […] Là, sur la levée, se tient fermement enraciné notre bouquet d’ormes favoris, que notre regard au passage n’oublie jamais, et qui servent de rideau à la cabane solitaire du berger ; tandis que loin, à travers et par-delà le courant qui de ses flots, comme d’un verre fondu, incruste la vallée, le terrain en pente recule jusque vers les nuages, déroulant dans sa variété infinie la grâce de ses nombreuses rangées de baies, la tour carrée, la haute flèche d’où le son joyeux de la cloche vient expirer en ondulant jusqu’à l’oreille qui l’écoute, des bosquets, des bruyères, et des villages fumant dans le lointain. — Ces scènes-là doivent être belles qui, vues chaque jour, plaisent chaque jour, et dont la nouveauté survit à l’habitude et au long examen des années.
À l’égard de Paris, vous savez comme je pense ; si je pouvais m’y tenir, je n’aurais point d’autre patrie… Et il expose quelques-uns des motifs et des obstacles trop réels (sans pourtant articuler le principal de ces obstacles) qui l’empêchent de se livrer à ses goûts et d’aller se fixer à Paris pour y étudier, y cultiver les gens de mérite qu’il y rencontrerait, et y devenir lui-même peut-être un écrivain. […] Vous n’êtes donc pas fait pour vivre comme lui ; le repos vous est dangereux ; il vous faut tenir loin de vous ; votre cœur ne peut vous verser que le fiel dont il est pétri… Dans ce qui suit, et à dessein de détourner son impétueux ami de quitter le service, Vauvenargues le raille avec une légère ironie sur ce plan un peu trop doux de vie heureuse et toute privée, sur cette félicité tempérée et dans le goût d’Horace, qu’il se promet trop complaisamment. […] Il tient surtout dans sa lettre (car nous en sommes toujours à cette même lettre décisive, où il se découvre) à bien montrer à Mirabeau qu’on peut désirer de sortir d’une condition médiocre et d’arriver à une grande situation, par de grands motifs et sans du tout abjurer la hauteur des sentiments : Il y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les grandeurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équipages, ou pour jouer gros jeu, pour s’élever au-dessus du mérite et affliger la vertu, et qui n’arrivent à ce point que par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de souhaiter, malgré soi, un peu de domination parce qu’on se sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur. […] Il y arrive, à l’éloquence, dans sa lettre du 22 mars 1740, non sans avoir passé par quelques lenteurs ; car il résume assez longuement les espèces de conférences morales qu’il tient avec le chevalier : ces conversations pour former un parfait honnête homme sont un peu sermon pour nous, comme elles l’étaient probablement pour son impatient élève ; puis tout à coup, à propos des lectures qu’il lui voudrait voir faire, entre autres celle des Vies de Plutarque, il s’enflamme et se laisse emporter : C’est une lecture touchante, j’en étais fou à son âge ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce, et même de celle de Rome. […] Vauvenargues caressait un peu trop la chimère d’un ambitieux à souhait, et même d’un vicieux aimable, à grands talents et à grand caractère ; il ne s’en tenait pas en ce genre à César, au Régent, ni à Alcibiade, il se faisait même un Clodius ou un Catilina de fantaisie.
Il est nouvellement arrivé et à peine établi à Montpellier, et dès lors, après une transplantation qui lui a fait sentir plus que jamais combien il est, lui et les siens, entre les mains de celui qui peut tout, il tient à se rendre un compte exact de l’emploi de son temps, « afin que si cet emploi est bon, il se réjouisse et rende grâces à Dieu, et que, s’il en perd quelque chose par distraction ou par sa faute, il le sache aussi et reconnaisse son malheur ou son imprudence ». […] Son bonheur serait d’étudier sans dérangement jusqu’à l’heure du dîner : les jours où il peut le faire sont des jours heureux, silencieux, et, par là même, ceux qui tiennent le moins de place en son journal ; il les exprime en deux lignes : « Le matin, (saint) Basile ; après le dîner, préparation de ma leçon, puis la leçon (Casaubon est professeur) ; ensuite un repas léger, Basile ; le reste à l’ordinaire. » Voilà le cercle où il aimerait à tourner sans cesse. […] Voilà ce qui me tourmente depuis des années déjà, et me tient en inquiétude les jours et les nuits. […] Sa femme cependant accouche toujours, et comme pour remplacer Jean, cet aîné que le père n’a pas pour cela cessé d’aimer, elle lui donne un petit Jacques, qu’on nomme ainsi parce que le roi veut bien faire aux parents l’honneur de le tenir au baptême. […] — Pour connaître avec une entière précision les faits de la vie de Casaubon et voir au juste la place qu’il tient entre les réformés, on doit lire aussi l’article qui le concerne, au tome ii de la France protestante de MM.