Rotrou, [Jean] né à Dreux en 1609, mort dans la même ville en 1650, le meilleur, après Corneille, des cinq Poëtes choisis par le Cardinal de Richelieu, pour exécuter les sujets de Tragédie ou de Comédie que ce Ministre leur fournissoit lui-même. […] Il substitua, aux pointes ridicules de Mairet & des autres Poëtes dramatiques qui l'avoient précédé, des pensées vives & fortes qui naissoient du sujet.
C’est quelqu’un, c’est même un étrange original, que ce gentilhomme de Normandie, si fier de sa race, d’un si robuste orgueil, au verbe rude et incivil, autoritaire, brusque, indifférent en religion, mais respectueux de la croyance du prince et de la majorité des sujets, très soumis à l’usage et très épris de raison, disputeur, argumenteur, philosophe et fataliste, plus stoïcien que chrétien, très matériel et positif, au demeurant honnête homme, et de plus riche sensibilité qu’on ne croirait d’abord. […] Je sens chez Malherbe, dans le choix des idées et des thèmes, un effort pour écarter le particulier, le subjectif : il choisit les sujets où son esprit communie avec l’esprit public, les sujets d’intérêt commun. […] Prenons Malherbe dans ses bonnes pièces, dans ses odes historiques et ses stances religieuses : ce sont des œuvres fortes et simples, où il y a, en vertu même des sujets, plus de conviction que de passion, plus de raisonnement que d’effusion ; le mouvement, la chaleur viennent surtout de l’intelligence.
Vu cet égal dénuement d’intérêt des diverses manières possibles, il ne restait que d’oublier que cette conférence est le prologue d’une représentation et de l’utiliser à traiter verbalement un sujet agréable ou utile : l’impôt sur les revenus, le pari mutuel, la question congolaise. Mais ces excellents sujets propres à susciter des articles ingénieux du Mercure de France ou du Mémorial diplomatique ou du Paris-Vélo, que gagneraient-ils être exposés de vive voix ? […] Le conférencier au contraire parle à un petit groupe, sur un petit sujet, et pour peu en dire. […] Et en même temps que l’importance politique des sujets traités par quelques conférenciers d’il y a vingt ans, les Eugène Yung, les Émile Deschanel, les Dollfus et d’autres rehaussaient un peu le genre, on voyait les politiciens, les universitaires et même les orateurs sacrés emprunter à la conférence sa manière familière, persuasive et quand on peut spirituelle.