Le poète marche rapidement et nous entraîne à sa suite vers un but qu’il ne perd pas de vue, et qu’il nous fait entrevoir de moment en moment. […] Bien qu’ils aient beaucoup d’esprit, ils affectent de faire fi dans la comédie des bons mots comme tels ; ils méprisent le comique arbitraire ; pour le comique avoué, je ne crois pas qu’ils sachent même ce que c’est, et je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu dans leur conversation, ni lu dans leurs livres, l’éloge des ballets et des intermèdes, ces interruptions si éminemment comiques dans la suite naturelle des actes et des scènes, surtout lorsqu’elles n’ont aucun rapport avec le sujet de la pièce. […] Le poète nous présente, il est vrai, tout ce qu’il y a de plus extraordinaire ou même de plus incroyable ; il se permet souvent, dès l’entrée, une grande invraisemblance, telle que la parfaite conformité de deux figures ; mais il faut que tous les incidents qui dérivent de cette première donnée, en paraissent la suite nécessaire. […] À l’exception de quelques scènes plus animées, Le Misanthrope n’est qu’une suite de thèses soutenues dans toutes les formes. […] Le Registre de la Comédie fait foi que, représenté vingt et une fois de suite, nombre de représentations auquel un ouvrage atteignait difficilement alors, Le Misanthrope seul, sans petite pièce qui l’accompagnât et malgré les chaleurs de l’été, procura au théâtre dix-sept recettes productives et quatre autres de bien peu moins satisfaisantes.
L’existence de ces groupes n’aurait qu’une signification très bornée, si l’un se trouvait être exclusivement adapté à vivre sur la terre et un autre dans les eaux, celui-ci à se nourrir de chair, celui-là de végétaux, et ainsi de suite. […] Il y a des crustacés aux deux extrémités opposées de la série qui ont à peine un caractère commun ; et cependant les espèces les plus extrêmes des deux bouts de la chaîne étant évidemment alliées à celles qui leur sont voisines, celle-ci encore à d’autres, et ainsi de suite, toutes sont aisément reconnues comme appartenant, sans doute possible, à cette classe particulière des articulés et non aux autres. […] C’est le défaut d’exercice qui me semble devoir être la cause principale de ces phénomènes d’atrophie, en agissant sur la suite des générations, de manière à réduire graduellement certains organes, jusqu’à ce qu’ils deviennent complétement rudimentaires. […] Finalement, les diverses classes de faits que j’ai considérées dans ce chapitre me semblent établir si clairement que les innombrables espèces, genres et familles d’êtres organisés, qui peuplent le monde, sont tous descendus, chacun dans sa propre classe ou groupe, de parents communs, et se sont tous modifiés dans la suite des générations, que sans hésitation nous devrions encore adopter cette théorie, lors même qu’elle ne serait pas appuyée sur d’autres faits ou sur d’autres arguments 167. […] S’il était vrai, par exemple, comme on doit le supposer, que les Cétacés eussent été produits, par une suite de variations rétrogressives d’un ordre de mammifères plus ancien, mais plus élevé et peut-être amphibie ou même complétement terrestre, ce ne serait pas une objection absolue contre cette hypothèse, si dans toute leur vie fœtale il ne restait que de très légères traces d’une organisation supérieure et moins complétement marine, car ces traces devraient avoir disparu, au moins en grande partie, pendant la formation même de l’ordre.
. — S’il est comprimé, lié, coupé dans un point quelconque situé entre les centres nerveux et l’endroit excité, il n’y a plus de sensation ; or les centres nerveux sont intacts, le bout terminal du nerf agit comme auparavant, c’est donc le bout central qui a cessé d’agir ; il agissait donc auparavant ; donc, lorsque à la suite d’une excitation terminale une sensation s’est produite, le nerf a fonctionné dans tous ses segments et sur tout son trajet. — D’autre part, sur toutes les parties de son trajet, cette action aboutit au même effet111. […] Telle est l’action qui parcourt les éléments similaires de l’écorce cérébrale ; elle dure ainsi en l’absence de toute excitation extérieure, s’effaçant, renaissant, et, à travers une suite d’extinctions et de résurrections, indéfiniment survivante. […] À chaque minute, nous pouvons constater en nous-mêmes cette persistance obscure. — Vous venez de chanter quinze ou vingt fois de suite un air nouveau qui vous a beaucoup frappé ; on vous dérange pour quelque petite occupation d’intérieur, ou pour quelque visite ennuyeuse ; là-dessus, une autre série de sensations, d’images et d’idées se déroule forcément en vous ; mais la première, quoique ayant cédé la place, n’a pas péri. […] Il y arrive, gesticule un instant, se retire ; un autre apparaît, puis un autre, et ainsi de suite : voilà l’idée ou image du premier plan. […] Pour exprimer ses idées très saines et très bien liées, le malade ne trouve que le même mot absurde, ou des suites de mots qui n’ont aucun sens ; entre l’articulation intérieure et l’articulation extérieure, le pont est rompu.