Son style n’a jamais présenté des couleurs plus riches et plus harmonieuses, mais il y a dans cette richesse quelque chose qui rappelle celle des dernières soirées de septembre : il y a plus de pompe, parce qu’il y a moins d’ardeur ; la lumière s’épand mieux, parce qu’elle est moins intense. […] Le style un peu vieillot en est encore charmant : « Les villes populeuses et les sociétés affairées peuvent plaire à ceux qui sont gais et insouciants, mais la solitude est la meilleure nourrice de la sagesse.
Je dois vous avouer pourtant que mes habitudes symbolistes, que mon goût de la phrase glissante, toute chargée de mélodie, comme une barque, étaient légèrement froissés par le style de Proust, par ses phrases toutes dépliées, comme attachées par des épingles à tous les coins de la page, si visibles au dedans, si actualisées qu’on pouvait s’y promener sans plus de surprise que dans du Descartes.
Cependant ce corps en était également entouré pendant la vie ; leurs affinités pour ses molécules étaient les mêmes, et celles-ci y eussent cédé également, si elles n’avaient pas été retenues ensemble par une force supérieure à ces affinités, qui n’a cessé d’agir sur elles qu’à l’instant de la mort. » Ces idées de contraste et d’opposition entre les forces vitales et les forces extérieures physico-chimiques, que nous retrouvons dans la doctrine des propriétés vitales, avaient déjà été exprimées par Stahl, mais en un langage obscur et presque barbare ; exposées par Bichat avec une lumineuse simplicité et un grand charme de style, ces mêmes idées séduisirent et entraînèrent tous les esprits.