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1227. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Si la civilisation devait fatalement aboutir à cet avortement, si le peuple à son tour devait s’user de la sorte et, au bout de quelques siècles, s’affadir au sein de la vanité et du plaisir, Caton aurait raison, il faudrait envisager comme des instruments de mollesse et briser sagement tout ce qui est à nos yeux instrument de culture et de perfectionnement, mais qui, dans cette hypothèse, ne servirait qu’à faire des générations avides de servitude pour vivre à l’aise. Rien n’égale, en province surtout, la nullité de la vie bourgeoise, et je ne vois jamais sans tristesse et sans une sorte d’effroi l’affaiblissement physique et moral de la génération qui s’élève ; et pourtant ce sont les petits-fils des héros de la grande épopée ! […] La religion, telle que je l’entends, est fort éloignée de ce que les philosophes appellent religion naturelle, sorte de théologie mesquine, sans poésie, sans action sur l’humanité. […] Chaque fois que je me sens affaibli, j’éprouve une exaltation de la sensibilité et une sorte de retour pieux.

1228. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

De là, trois sortes de philosophies, ou de systèmes généraux de conceptions sur l’ensemble des phénomènes, qui s’excluent mutuellement : la première est le point de départ nécessaire, de l’intelligence humaine ; la troisième, son état fixe et définitif ; la seconde est uniquement destinée à servir de transition. […] C’est à cette répartition des diverses sortes de recherches entre différents ordres de savants, que nous devons évidemment le développement si remarquable qu’a pris enfin de nos jours chaque classe distincte des connaissances humaines, et qui rend manifeste l’impossibilité, chez les modernes, de cette universalité de recherches spéciales, si facile et si commune dans les temps antiques. […] À cette fin, ils ont imaginé, dans ces derniers temps, de distinguer, par une subtilité fort singulière, deux sortes d’observations d’égale importance, l’une extérieure, l’autre intérieure, et dont la dernière est uniquement destinée à l’étude des phénomènes intellectuels. […] La recherche étant une fois réduite à ces termes simples, elle ne paraît pas devoir rester longtemps incertaine ; car il est évident, par toutes sortes de raisons dont j’ai indiqué dans ce discours quelques-unes des principales, que la philosophie positive est seule destinée à prévaloir selon le cours ordinaire des choses.

1229. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Mme de Staël et son école, tous ces esprits distingués qui concoururent à introduire en France de justes notions des théâtres étrangers ; qui, les premiers, nous expliquèrent ou nous traduisirent Shakespeare, Goethe, Schiller, ce sont relativement des romantiques ; en ce sens M. de Barante, M. de Sainte-Aulaire même, M. de Rémusat en seraient, et je ne crois pas que ces fins esprits eussent jamais désavoué le titre entendu de la sorte. C’est par une sorte d’abus, mais qui avait sa raison, que l’on a compris encore sous le nom de romantiques les poètes, comme André Chénier, qui sont amateurs de la beauté grecque et qui, par là même, sembleraient plutôt classiques ; mais les soi-disant classiques modernes étant alors, la plupart, fort peu instruits des vraies sources et se tenant à des imitations de seconde ou de troisième main, ç’a été se séparer d’eux d’une manière tranchée que de revenir aux sources mêmes, au sentiment des premiers maîtres, et d’y retremper son style ou son goût.

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