Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ; Ils dorment au fond des tombeaux ; Et le soleil se lève encore. […] On se plaît quelques instants au demi-jour de la grotte ; on y admire le caprice des formes et le jeu des rayons, mais bientôt on se sent glacé, on aspire à l’air libre et chaud des champs que féconde le soleil : les vraies fleurs sont celles qui vivent, s’épanouissent et aiment. […] Les trois spectres sont là qui dardent leurs prunelles Je revois le soleil des paradis perdus ! […] On ferait des bouquets, et, quand nous serions las, On rejoindrait, suivis toujours du chien qui jappe, La table mise, avec des roses sur la nappe, Près du bosquet criblé par le soleil couchant, Et, tout en s’envoyant des baisers en mangeant. […] Je poserai ma main hardie Sur les grands soleils étonnés Et j’éteindrai leur incendie Splendide en leur crachant au nez.
Le merveilleux paysage de la forêt de Fontainebleau, dont l’idylle apparaît au milieu de l’Éducation sentimentale, est peint de même avec des types d’arbre, de petits sentiers, des clairières, des sables, des jeux de lumière dans des herbes ; le fulgurant lever de soleil à la fin du banquet des mercenaires dans le jardin d’Hamilcar, est montré en une suite d’effets particuliers à Cartilage, étincelles que l’astre met au faîte des temples et aux clairs miroirs des citernes, hennissements des chevaux de Khamon, tambourins des courtisanes sonnant dans le bois de Tanit ; et pour la nuit de lune où Salammbô profère son hymne à la déesse, ce sont encore les ombres des maisons puniques et l’accroupissement des êtres qui les hantent, les murmures de ses arbres et de ses îlots, qui sont énumérés. […] La Tentation de saint Antoine dresse, en une éblouissante procession, la liste formidable de toutes les erreurs humaines, tire le néant des évolutions religieuses, entrechoque les hérésies, compare les philosophies et, finalement, quand d’élimination en élimination on touche à l’agnosticisme panthéiste des modernes, montre l’humanité recommençant le cycle des prières dès que le soleil se lève et l’aclion la réclame. […] Quelquefois les rayons du soleil, traversant la jalousie, tendaient, depuis le plafond jusque sur les dalles, comme les cordes d’une lyre. […] Et l’émoi mystique de la prêtresse phénicienne s’efforçant sous les symboles des dieux et les mythes des théogonies de saisir l’essence de l’être et la signification de ses sourdes ardeurs, puis Hamilcar dans le silence diurne de la maison du Suffète-de-la-Mer, se prosternant sur le sol gazé de sable, et adorant silencieusement les Abaddirs, sous la lumière « effrayante et pacifique » du soleil, qui passe étrange par les feuilles de laitier noir des baies d’autres scènes ou lunaires ou souterraines, sont décrites en phrases obscures, distantes, qui parlent à certains esprits une langue comme oubliée mais comprise, et suscitant dans les limbes de l’âme des émotions muettes. […] Il vécut ainsi douloureusement au déclin de sa vie, ce grand homme, haut de taille, portant sur ses lourdes épaules, une grosse face rubiconde, bénigne et naïve, que coupait une moustache blanche de vieux troupier, que dominait le vaste ovale d’un front rouge, sur des yeux bleus, « dont la pupille, dit M. de Maupassant, toute petite, semblait un grain noir toujours mobile. » Et cet homme à la carrure de cuirassier, qui semblait fait, avec sa mine bonasse de reître, pour courir les aventures, enlever les bataillons à la charge, se tanner le cuir sous des soleils incendiés ou de glaciales bruines, passa sa vie dominé par on ne sait quelle infime modification vasculaire de son encéphale comme un mince artisan, fabriquant, dans l’ombre de la chambre, des objets infiniment délicats.
Si une voile dérive par un jour serein du port, on pense aux rivages lointains et inconnus où cette voile ira aborder, après avoir traversé pendant des jours sans nombre ce désert des lames ; ces terres étrangères se lèvent dans l’imagination avec les mystères de climat, de nature, de végétation, d’hommes sauvages ou civilisés qui les habitent ; on s’y figure une autre terre, d’autres soleils, d’autres hommes, d’autres destinées. — Émotion ! […] « Les compagnes de Damayanti », dit le texte indien, « la voient pencher la tête comme une belle fleur qui languit sous l’ardeur du soleil du printemps, et qui fléchit langoureusement sur sa tige. » Elles avertissent son père, qui songe à lui donner un époux. […] « Elle dort », dit-il ; « elle dort maintenant sur cette terre nue, sous la branche ténébreuse, ma bien-aimée, elle qui jusqu’ici n’eut jamais à subir ni les ardeurs du soleil ni les intempéries des tempêtes, femme au sourire d’où coulent les grâces. […] C’est la jeunesse de la création, coulant avec une sève de vie qu’on voit et qu’on entend sourdre aux rayons des premiers soleils. La beauté pudique de l’amante abandonnée resplendit dans ce tableau au-dessus du soleil lui-même ; c’est l’Ève d’un autre jardin.