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2243. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

On se trouverait ainsi en présence d’une société dont l’esprit a subi trois transformations capitales dans ses mœurs comme dans ses idées. […] La première, nous venons de le voir, détermine les connexions des diverses manifestations intellectuelles d’un même temps : dans une société toutes les acquisitions de l’esprit ont entre elles des rapports de coordination nécessaires. […] Cette dissociation de deux états, état intellectuel et état moral de notre société, crée un perpétuel malentendu entre l’homme qui pense et l’homme qui agit, entre l’artiste et la foule. […] Cette âme est absente de la société contemporaine, que le conflit de ses intérêts particuliers intéresse seul. […] L’air de la société contemporaine est irrespirable.

2244. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

C’est un trait de plus dans le portrait de Gui Patin que ce dédain pour les personnes du sexe au moment où elles s’établissaient plus généralement dans la société, et où elles allaient y introduire ce qui surtout lui manquait, à lui et aux autres savants cantonnés dans les corps, je veux dire la politesse.

2245. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Dozy comment il a pu se faire que le Cid, tel que vient de nous le montrer l’histoire, lui, l’exilé, qui vivait a augure, comme on disait, à l’aventure, au jour le jour, consultant le vol des corbeaux et des oiseaux de proie, oiseau de proie lui-même, « qui passa les plus célèbres années de sa vie au service des rois arabes de Saragosse ; lui qui ravagea de la manière la plus cruelle une province de sa patrie, qui viola et détruisit mainte église ; lui, l’aventurier, dont les soldats appartenaient en grande partie à la lie de la société musulmane, et qui combattait en vrai soudard, tantôt pour le Christ, tantôt pour Mahomet, uniquement occupé de la solde à gagner et du pillage à faire ; lui, cet homme sans foi ni loi, qui procura à Sanche de Castille la possession du royaume de Léon par une trahison infâme, qui trompait Alphonse, les rois arabes, tout le monde, qui manquait aux capitulations et aux serments les plus solennels ; lui qui brûlait ses prisonniers à petit feu ou les donnait à déchirer à ses dogues… », — comment il s’est fait qu’un tel démon ait pu devenir le thème chéri de l’imagination populaire, la fleur d’honneur, d’amour et de courtoisie, qu’elle s’est plu à cultiver depuis le xiie  siècle jusqu’à nos jours : — « un cœur de lion joint à un cœur d’agneau », comme elle l’a baptisé et défini avec autant d’orgueil que de tendresse ?

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