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1093. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Il est un de vos ardents admirateurs, il a dit du bien de vos livres dans les papiers imprimés, et dans ce moment-ci même, ayant à monter une pièce dont l’action se passe sous le Directoire, il consulte et relit sans relâche votre Histoire de la société française sous le Directoire. […] Mais aujourd’hui, il serait niais de discuter, de répondre, de se défendre, à propos d’art, quand cinquante sifflets d’omnibus écrasent tous les soirs une pièce que la salle veut écouter, quand une petite fraction des écoles22 couvre de la tyrannie de son goût et de la révolte de ses pudeurs les applaudissements des loges, de l’orchestre, des femmes de la société, des hommes du monde, du public élégant, intelligent et lettré de Paris. […] Savez-vous que chez tous les jeunes gens que j’ai connus, le premier amour effectif qui n’a pas été à une fille ou à une femme de chambre, je l’ai vu aller à des femmes de la société presque toujours plus âgées que Mme Maréchal, presque toujours à de sérieuses marraines de Chérubin ? […] Elle y a comme moi trouvé beaucoup d’esprit, mais pas assez de pièce… Un certain nombre d’années se passaient ; mon frère et moi, avions écrit l’Histoire de la société pendant la Révolution et pendant le Directoire, l’Histoire de Marie-Antoinette. […] Nous rêvions une suite de larges et violentes comédies, semblables à des fresques de maîtres, écrites sur le mode aristophanesque, et fouettant toute une société avec de l’esprit descendant de Beaumarchais, et parlant une langue ailée, une langue littéraire parlée que je trouve, hélas !

1094. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Les questions sociales y ont pu être parfois agitées sans aucun détriment de la valeur littéraire des œuvres, et l’intérêt durable de celles-ci se mesure presque toujours à la profondeur où elles plongent leurs racines dans l’âme de la société contemporaine. […] La philosophie nouvelle nous apprend que les sociétés ne sont point la simple agglomération des individus qui les composent, mais des organismes compliqués ayant leur vie propre et individuelle comme de véritables animaux, tandis que les individus, à leur tour, sont eux-mêmes des sociétés, en proie à une anarchie assez confuse, où la vieille notion de la persistante unité d’un Moi qui règne et qui gouverne doit céder la place à celle de la multiplicité des états de conscience, du perpétuel écoulement de l’être et de l’instabilité de la personne. […] Les littératures d’autrefois, exprimant l’état d’esprit et d’imagination d’une société à une certaine époque, n’ont pu être comprises et goûtées directement que des contemporains dont elles étaient le signe. […] Répondre d’avance à un état futur de l’imagination française, c’était quelque chose d’autrement rare et beau que de satisfaire la fantaisie et d’exprimer les sentiments de la société contemporaine. […] Telle fut l’époque de détente et de licence morale qui suivit celle d’hypocrite grimace trop longtemps imposée à la société française par la dévotion de Louis XIV vieilli.

1095. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 490-491

Au contraire, elle l’étend, le préconise, & ne craint pas de sacrifier ainsi sa gloire à l’envie de se procurer des partisans, qui oublient ce qui leur en coute pour figurer dans la société des ames foibles & des esprits forts.

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