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911. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

La musique, qui, étant le plus subjectif des beaux-arts, bénéficie comme la poésie de l’exaltation du sentiment, change de caractère avec la littérature. […] Nés tous deux du langage instinctif, ils se sont attachés chacun à l’un des deux ^éléments qui le composaient ; le premier a travaillé sur les cris et les inflexions qui expriment les différents sentiments ; le second sur les sons qui sont devenus des mots exprimant des idées. […] Par des sentiments indécis et flottants comme les brouillards du matin, par des rêves insaisissables comme des fantômes, par des symboles volontairement obscurs comme les oracles des Sibylles. […] Il écrit : « Ce talent, si essentiel et si rare, quoiqu’il paraisse à la portée de tous les artistes, c’est le sentiment. […] C’est un artiste qui offre à ses yeux une fêté perpétuelle et relègue au second plan idées et sentiments, absorbé qu’il est par le plaisir de créer des images et de ciseler de belles phrases où les mots brillent comme des rubis ou des émeraudes.

912. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

On ne comprend pas, par exemple, que le sentiment du temps puisse venir du dehors par simple répétition des relations temporelles entre les objets « extérieurs ». […] Il y a donc en nous un sentiment de contrainte, de nécessité subjective. Ce sentiment est au plus haut point dans la douleur subie malgré nos efforts, pour nous en délivrer. […] Le sentiment de l’habituel a quelque chose d’analogue à celui du mouvement acquis, de la vitesse acquise, comme celle du coureur qui ne peut s’arrêter court. […] De plus, le désir est accompagné d’un sentiment d’innervation et de motion à l’état naissant, en un mot de motricité.

913. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Ce qui était le plus important à l’âge et à l’époque de Froissart, c’était précisément d’amasser ces matériaux, de les posséder et de les disposer dans toute leur étendue et dans leur richesse ; et c’est ce qu’il a fait avec un zèle, une ardeur infatigables, et avec un sentiment élevé du service qu’il rendait à ses contemporains et à la postérité en conservant ainsi la mémoire des grands événements et des nobles prouesses. […] Pour prendre idée du zèle et du sentiment que Froissart apportait à la confection de son œuvre, il faut lire les diverses préfaces et les passages où il s’en exprime avec effusion. […] C’est, en effet, ce sentiment de délectation très sensible chez Froissart dans la composition de son histoire et dans l’acquisition de tout ce qui peut y servir, qui le caractérise entre tous ses pareils et qui fait de lui le chroniqueur par vocation et par excellence. […] « Vous avez raison, dit Claverhouse en souriant, parfaitement raison : nous sommes tous deux des fanatiques ; mais il y a quelque différence entre le fanatisme inspiré par l’honneur, et celui que fait naître une sombre et farouche superstition. » — « Et cependant vous versez tous deux le sang sans remords et sans pitié », reprend Morton, incapable de cacher ses sentiments. […] Avec quel sentiment chevaleresque ce noble chanoine réserve ses belles expressions de douleur pour la mort du brave et noble chevalier dont la perte est à déplorer, tant sa loyauté était grande, sa foi pure, sa valeur terrible à l’ennemi, et son amour fidèle !

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