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687. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Vinet, très-beaux et très-respectueux, expriment avec discrétion ce sentiment de regret qu’ont éprouvé les personnes sérieuses. […] Voici ce passage : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’a d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard. […] » Tel est l’effet curieux à étudier et désormais manifeste du génie lyrique dont on a abusé, de cette inspiration de pure fantaisie et de jeunesse où l’on avait tout mis, de cette lacune morale sous des airs de sentiment, de cette vie épicurienne et de plaisir sous un vernis de mysticisme et de religiosité.

688. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Mais Anacréon leur réussit bien mieux à imiter que Pindare ou Virgile, ils retrouvaient en lui des sentiments déjà familiers à notre poésie, et que la langue de Marot était capable d’exprimer sans innovation grecque et latine. […] Ici le sentiment et le mouvement de l’original sont essentiels à reproduire ; il faut y atteindre à tout prix, même au prix de l’exactitude secondaire des détails. […] Une colombe a passé dans les airs, et soudain a prêté à cette douce messagère un babil plein de sentiment et d’ingénuité.

689. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Personne mieux que lui n’a compris l’Océan, ses murmures et ses teintes, son calme et ses tempêtes ; personne n’a eu le sentiment aussi vif et aussi vrai d’un navire et de ses rapports sympathiques avec l’équipage. […] Mais l’auteur a trouvé moyen de rajeunir et de nationaliser, en quelque sorte, son héros par les sentiments anticipés qu’il lui prête. […] Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.

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