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714. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

De devoir et de vertu, il n’en sera plus dit un mot ; le sentiment même sera relégué au second rang ; le véritable domaine d’Hoffmann sera la sensation. […] C’est un conteur, rien de plus ; et ce serait beaucoup s’avancer de prétendre que son livre, quelques matières brûlantes qu’il traite, fait en Allemagne une sensation bien vive. […] Freytag convertit les sensations en fantômes ; au lieu d’une âme, il nous montre une lanterne magique. […] Il y a dans le moindre rayon de soleil un déluge de lumière ; il y a dans l’enfant qui passe, le sourire sur les lèvres, s’ouvrant à la vie comme une rose du malin, je ne sais quoi qui éveille en nous un monde de sensations et nous fait revivre en un instant des milliers d’existences délicieuses. […] Ce qui se passa alors dans sa pauvre âme, ce furent de sombres et douloureuses sensations.

715. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Son talent réfléchi et très-intérieur n’est pas de ceux qui épanchent directement par la poésie leurs larmes, leurs impressions, leurs pensées ; il n’est pas de ceux non plus chez qui des formes nombreuses, faciles, vivantes, sortent à tout instant et créent un monde au sein duquel eux-mêmes disparaissent : mais il part de sa sensation profonde, et lentement, douloureusement, à force d’incubation nocturne sous la lampe bleuâtre, et durant le calme adoré des heures noires, il arrive à la revêtir d’une forme dramatique, transparente pourtant, intime encore. […] Après les épanchements lyriques et les confidences qui avaient resserré l’union des poëtes, après les feux des Orientales, entremêlés du trépas de Madame de Soubise et des jeux de la Frégate la Sérieuse, les plus forts songèrent au théâtre, à cette arène où la poésie peut arriver au public face à face, en le prenant par ses sensations, en le domptant.

716. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Jeune, elle eût voulu tout aimer, et ceux de ses goûts qu’elle avait pu garder sur le soir de ses ans embellissaient encore sa vieillesse, comme ils avaient concouru à parer cette heureuse époque qui nous permet d’attacher un plaisir à chacune de nos sensations. […] Auprès des princes, l’intérêt personnel est tellement éveillé, les mauvaises passions humaines sont si fréquemment en jeu, que, s’il nous fallait agir d’après nos sensations réelles et nos vraies émotions, nous donnerions à qui nous observe un triste spectacle.

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