Si je suis en repos, Sommeillant sur ma couche, L’oy qui me tient propos, Je le sens qui me touche. […] La musique a de plus, pour le musicien ou pour le chanteur, une autre séduction toute-puissante non-seulement sur les sens, mais sur l’âme même des femmes supérieures, c’est qu’elles attribuent naturellement à celui qu’elles écoutent les sentiments exprimés par la musique elle-même ; ces notes délicieuses, passionnées, héroïques de la voix ou de l’instrument leur paraissent contenir une âme ; à l’émission de ces sublimes ou touchants accords, elles ne peuvent séparer la musique du musicien, et la magie de l’air, de la voix ou de l’instrument se confond dans leur impression avec la magie de l’homme. […] Dès le 12 mars, c’est-à-dire lorsque le sang de Rizzio fumait encore sur le parquet de sa chambre et sur la main de Darnley, dès le 12 mars, écrit l’envoyé français à sa cour, la reine reprit tout son empire sur les sens et sur le cœur de Darnley. […] Bien que ces lettres textuelles, nous le répétons ici, n’aient aucune authenticité matérielle à nos yeux, bien qu’elles portent même des traces de mensonge et d’impossibilité dans l’excès même des scélératesses et des cynismes qu’elles expriment, il est certain qu’elles se rapprochent beaucoup de la vérité, car un témoin grave et confidentiel des entretiens de Darnley et de la reine, à Glascow, donne de ces entretiens une relation parfaitement conforme au sens de cette correspondance ; il relate même des expressions identiques à celles de ces lettres et qui attestent que, si les paroles ne furent pas écrites, elles furent pensées et prononcées entre la reine et son mari.
Sully Prudhomme Corneille t’envierait, car, vieux, il a pu croire Qu’il voyait son laurier, de son vivant, périr ; Toi, sans rival, bravant l’oubli, même illusoire, Tu te sens immortel et vois ta jeune gloire Accompagner tes jours et, chaque an, refleurir ! […] Œuvre démesurée, peuplée de types innombrables, et qui n’est pourtant qu’en partie visible ; œuvre sans égale, qu’accroîtront presque de moitié les livres déjà terminés, en sortant de l’ombre, et que des plans tracés, et dont l’achèvement est promis à cette vieillesse invincible, prolongeront en tout sens. […] La poésie de Victor Hugo est parce qu’elle est, voilà tout ; tout y est réinventé et créé à nouveau ; le sens du mystère et le sens du lyrisme par elles ont été restitués à la poésie française ; c’est d’elle que nous tirons notre existence, tous ; elle est l’air que chacun de nous respire : nous ne le saurions décomposer et vivre.
Lamoureux étaient moins heureuses, le Vendredi-saint, bien déparé par l’absence des paroles, et surtout le Waldweben, bizarre compilation de motifs triés dans le second acte de Siegfried, mais toutes les autres, même la marche funèbre, même le prélude de Parsifal, offrent un sens défini, et sont, chacune, le développement intégrai d’une émotion. […] Car, longtemps avant la naissance de l’art, les diverses sensations s’étaient associées : nos sens avaient acquis la propriété de s’appeler les uns les autres, et l’un d’eux surtout, la vue, avait obtenu, merveilleusement, cette fonction suggestive. […] Parce que la vue devenait, déplus en plus, le sens spécial de l’art plastique, et son instrument, les lumières ; mais surtout parce que l’art, à mesure que les esprits s’affinent, exige sans cesse davantage des procédés différents de ceux qu’emploie la réalité, pour nous suggérer la même vie. […] Je sens bien toutes les fautes et les omissions de cette esquisse.