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1191. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Schlichtegroll et simplement traduite de l’allemand : ce qui n’est vrai que jusqu’à un certain point ; et quant aux Lettres sur Haydn, qui sont en partie traduites et imitées de l’italien de Carpani, l’auteur ne le dit pas, bien qu’il semble indiquer dans une note qu’il a travaillé sur des lettres originales. […] À l’heure qu’il est, de guerre lasse, une sorte de Concordat a été signé entre les systèmes contraires, et les querelles théoriques semblent épuisées : l’avenir reste ouvert, et il l’est avec une étendue et une ampleur d’horizon qu’il n’avait certes pas en 1820, au moment où les critiques comme Beyle guerroyaient pour faire place nette et pour conquérir au talent toutes ses franchises. […] Il est à remarquer qu’en fait de style, à force de le vouloir limpide et naturel, Beyle semblait en exclure la poésie, la couleur, ces images et ces expressions de génie qui revêtent la passion et qui relèvent le langage des personnes dramatiques, même dans Shakespeare, — et je dirai mieux, surtout dans Shakespeare. […] Nous continuons de faire le même vœu, avec cette différence que, lui, il semblait accuser du retard tantôt le gouvernement d’alors avec sa censure, et tantôt le public français avec ses susceptibilités : « C’est cependant à ceux-ci, disait-il des Français de 1825, qu’il faut plaire, à ces êtres si fins, si légers, si susceptibles, toujours aux aguets, toujours en proie à une émotion fugitive, toujours incapables d’un sentiment profond. […] Le brusque passage du genre académique au genre naturel, tel que le pratique Beyle, me semble assez de cette espèce-là.

1192. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Ces lèvres sont les tiennes ; — c’est bien ton doux sourire que je vois, le même qui me consola si souvent dans mon enfance : il ne leur manque que la parole ; à cela près, comme elles semblent dire clairement : « Ne te chagrine point, mon enfant, chasse loin toutes tes frayeurs !  […] Je n’oserais me fier à mon cœur ; ce délicieux bonheur semble si désirable ! […] Les passions ne semblent pas l’avoir fortement agité ; il aima une de ses cousines germaines qui le paya de retour, mais le père de la jeune lille s’opposa au mariage, et Cowper ne paraît pas en avoir beaucoup souffert. […] La guérison qui semblait en si bonne voie lors de son arrivée à Olney rétrograda tout à coup, et un nouveau trouble vint ébranler profondément cette vive et si pénétrante intelligence. […] La poésie commençait à le partager ; il y recourait de temps en temps, mais seulement quand il avait quelque chose de particulier et de plus vif à exprimer, et qui lui eût paru excessif en prose : les vers alors lui semblaient « le seul véhicule convenable à la véhémence de l’expression ».

1193. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Chaque fois que quelques lettres, ainsi arrachées à une armoire secrète, reparaissent au jour, la sensibilité se remet à vibrer ; quelques-uns s’animent, quelques-uns s’enflamment ; il semble qu’on découvre tout, que l’on ne sût rien la veille, que tout soit changé, et que l’on marche de péripétie en péripétie. […] Cette thèse ou cette manière d’entendre et de défendre Marie-Antoinette, outre qu’elle a pour soi la vraisemblance, est plus sûre en même temps, notez-le bien, plus inexpugnable aux yeux de l’avenir et en regard de la démocratie survenante, accessible surtout aux raisons de sentiment et d’humanité, que la gageure un peu hasardée de ces valeureux champions, qui, dans leur préjugé de point d’honneur, semblent prendre pour devise à propos d’elle : Tout ou rien, et qui relèvent le gant en chaque rencontre sans rien concéder. […] Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que je m’entendrai bien avec elle comme je m’entends avec Provence. » La Dauphine essaye donc de se faire une petite société gaie et jeune dans ce vaste ennui de Versailles ; elle se montre presque bourgeoise, ou du moins très naturelle dans les premières combinaisons qu’elle met en œuvre : « J’ai imaginé avec les femmes de mes deux beaux-frères de faire table commune, quand nous ne mangeons pas en public ; j’en ai fait la proposition à M. le Dauphin qui a trouvé la chose à son gré, et ainsi nous sommes toujours six à table au dîner et au souper. […] Il ne devrait y avoir qu’une seule manière de transcrire. — Cette note qui accompagnait mon premier article du Constitutionnel est l’indice d’une bien délicate question que je m’adressais tout bas le plus timidement du monde, et que je faisais taire aussitôt ; mais depuis lors l’authenticité de toutes ces premières lettres a été contestée et combattue par des raisons de diverses sortes, qui semblent décisives. […] Feuillet tenait à ne pas avoir lu, — à ne pas paraître avoir lu, — ce premier article avant d’avoir publié lui-même son Introduction : or, dans cette Introduction, il me semble, au contraire, qu’il y a trace et indice très-probable qu’il m’a lu, comme il était naturel d’ailleurs qu’il le fît tout en terminant son travail et en corrigeant ses épreuves.

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