On est arrivé de la sorte à pénétrer le secret de bien des affaires et le sens intime de bien des personnages, à savoir en détail et presque jour par jour les motifs de son admiration pour Henri IV, pour Richelieu, pour Louis XIV, à dénombrer les ressorts de leur administration, et à suivre tous les mouvements de leur politique à l’étranger. […] Si le temps, ce grand dévorateur, fait disparaître le souvenir de bien des faits, et anéantit avec les témoins les explications véritables, il est aussi, à bien des égards, le grand révélateur ; il fait sortir d’autres soudains témoins de dessous terre, et livre bien des secrets inespérés. […] Mais soyez tranquilles sur le résultat : toutes celles de ces admirations qui sont bien fondées, et si lui-même, lecteur, en son âme secrète, n’est pas devenu, dans l’intervalle, moins digne d’admirer le Beau, toutes ou presque toutes gagneront et s’accroîtront à cette revue sincère : les vraiment belles choses paraissent de plus en plus telles en avançant dans la vie et à proportion qu’on a plus comparé.
Il ne vous l’a pas dit, c’est mon secret, et il n’est pas, avec toute sa pénétration, capable de me deviner en entier. […] Comment et par quel secret revirement l’enfant docile et soumis d’hier est-il redevenu subitement l’esprit amer et mâle, le Breton farouche et indompté, l’homme entier et naturel ? […] Le siècle et le prochain payaient les frais de son secret et intime discontentment.
Ce service est avoué par le maréchal qui l’a reçu, et il est connu et apprécié par l’Empereur ; mais seulement quelques généraux, initiés aux secrets des grandes opérations de l’armée, ont entendu parler de ce service et de ceux que vous avez rendus. […] Il n’emportait ni plans à communiquer, ni secrets militaires quelconques ; il n’emportait avec lui que son bon sens, son bon conseil, sa justesse de coup d’œil, sa connaissance précise des hommes et des choses. […] De là l’anxiété de Ney, ses velléités d’aller en avant, de mettre en mouvement le gros de ses forces, et les objections, les résistances de Jomini, qui alla, dit-il, « jusqu’à refuser de signer l’ordre d’un faux mouvement, et jusqu’à rédiger les lettres de manière à devoir être signées par le maréchal lui-même, contre l’usage adopté dans son état-major. » Ce sont là des secrets d’intérieur, et il en est à la guerre comme partout.