On en chérit la secrète injure, on en suce à plaisir l’amertume. […] En dévotion, nous avons par Port-Royal ses examens secrets de conscience : les raffinements de scrupules y passent toute idée. […] Quelle que soit la diversité des points de départ, les esprits capables de mûrir arrivent, plus qu’on ne croit, aux mêmes résultats ; mais les rôles sont pris, les apparences demeurent, et le secret est bien gardé. […] Le moraliste, en souriant, importune l’autre ; il sait la ficelle secrète et gêne les grands airs du conquérant.
Et je ne parle pas seulement de la littérature secrète, des livres extraordinaires que lit Mme d’Andlau, gouvernante des enfants de France et qui s’égarent aux mains des filles de Louis XV460, ni d’autres livres plus singuliers encore461 où le raisonnement philosophique apparaît comme un intermède entre des ordures et des gravelures, et que des dames de la cour ont sur leur toilette avec ce titre : Heures de Paris. […] La philosophie a besoin d’un écrivain qui se donne pour premier emploi le soin de la répandre, qui ne puisse la contenir en lui-même, qui l’épanche hors de soi à la façon d’une fontaine regorgeante, qui la verse à tous, tous les jours et sous toutes les formes, à larges flots, en fines gouttelettes, sans jamais tarir ni se ralentir, par tous les orifices et tous les canaux, prose, poésie, grands et petits vers, théâtre, histoire, romans, pamphlets, plaidoyers, traités, brochures, dictionnaire, correspondance, en public, en secret, pour qu’elle pénètre à toute profondeur et dans tous les terrains : c’est Voltaire « J’ai fait plus en mon temps, dit-il quelque part, que Luther et Calvin », et en cela il se trompe. […] La philosophie s’insinue et déborde par tous les canaux publics et secrets, par les manuels d’impiété, les Théologies portatives et les romans lascifs qu’on colporte sous le manteau, par les petits vers malins, les épigrammes et les chansons qui chaque matin sont la nouvelle du jour, par les parades de la foire489 et les harangues d’académie, par la tragédie et par l’opéra, depuis le commencement jusqu’à la fin du siècle, depuis l’Œdipe de Voltaire jusqu’au Tarare de Beaumarchais. […] Recevoir, prendre et demander, voilà le secret en trois mots, etc. » — Et tout le monologue de Figaro, toutes les scènes avec Bridoison.
Ces conversations, d’abord rares et courtes, avaient fini par amener, entre elle et lui, une amitié secrète, puis enfin un amour que ni l’un ni l’autre ne savaient bien dissimuler. […] Car le poids du cœur en fait découler enfin les secrets, ma tante ! […] J’avais bien rougi en lui avouant ce que je sentais, sa voix avait bien tremblé en me confessant pour la première fois que je ne faisais pas deux avec lui dans son idée et dans ses rêves, et que s’il n’avait rien osé dire encore à sa mère et à son oncle pour qu’on nous fiançât ensemble à San Stefano, c’était à cause de mes silences, de mes tristesses, de mes éloignements de lui depuis quelques mois, qui lui avaient fait douter s’il ne me causerait pas de la peine en me demandant pour fiancée à nos parents ; il me dit même qu’il ne regrettait en ce moment ni la prison, ni la mort, puisque son malheur avait été l’occasion qui avait forcé le secret de mon cœur. […] Il ajouta que, même après le jugement, on avait encore le recours en grâce auprès de monseigneur le duc et que, dans tous les cas, le condamné avait encore un sursis de quatre semaines et de quatre jours entre l’arrêt suprême et l’exécution ; enfin que, pendant ces quatre semaines et ces quatre soleils de sursis, le condamné, soulagé de toutes ses chaînes derrière sa grille, ne subissait plus le secret, mais qu’il était libre de recevoir dans sa prison ses parents, les prêtres, les moines charitables et tous les chefs des confréries pieuses de la ville et des montagnes, tels que frères de la Miséricorde, frères de la Sainte-Mort, pénitents noirs et pénitents blancs, dont l’œuvre est de secourir les prisonniers, de sanctifier leur peines et même leur supplice.