Dans la mesure où elle est intelligible, elle est la métaphysique d’une science aux cadres purement mathématiques, de la science telle qu’on la concevait au temps de Descartes. […] Plus la science approfondit la nature du corps dans la direction de sa « réalité », plus elle réduit déjà chaque propriété de ce corps, et par conséquent son existence même, aux relations qu’il entretient avec le reste de la matière capable de l’influencer. […] On est toujours plus ou moins dans l’idéalisme (tel que nous l’avons défini) quand on fait œuvre de savant : sinon, on ne songerait même pas à considérer des parties isolées de la réalité pour les conditionner l’une par rapport à l’autre, ce qui est la science même. […] On peut l’exprimer à la moderne, la traduire dans le langage de la science actuelle, y rattacher un nombre toujours croissant de faits observés (où l’on a été conduit par elle) et lui attribuer alors des origines expérimentales : la partie effectivement mesurable du réel n’en reste pas moins limitée, et la loi, envisagée comme absolue, conserve le caractère d’une hypothèse métaphysique, qu’elle avait déjà au temps de Descartes.
2° Nous prendrons en même temps des leçons de méthode ; car, la critique est-elle une science ? […] Et, dans la science comme dans l’art, Le génie se mesure à ce qu’il a de personnel, d’unique, d’inimitable. […] Les exclure de la science, c’est en ôter le levain même. […] La science y trouve son compte ; l’humaine malignité s’y délecte ; et les faiblesses des grands hommes réjouissent notre vanité. […] Quoi qu’il en soit, on arrivera avec le temps, j’imagine, à constituer plus largement la science du moraliste.
Je pense d’ailleurs qu’il ne faut jamais hésiter à faire entrer la science dans la littérature ou la littérature dans la science ; le temps des belles ignorances est passé ; on doit accueillir dans son cerveau tout ce qu’il peut contenir de notions et se souvenir que le domaine intellectuel est un paysage illimité et non une suite de petits jardinets clos des murs de la méfiance et du dédain.