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453. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

« Ces phénomènes sont donc exactement pour lui dans la même condition que les phénomènes de la nature extérieure. » — Voilà cependant où leur logique les mène, et ils appellent cela faire de la science, et ne pas faire de l’imagination. […] Ils lui accordent bien d’entrer en rapport avec le non-moi par la pensée et l’intelligence ; d’en connaître et d’en réfléchir les lois, d’en posséder la science, quoique encore cela soit impossible, sans que l’activité matérielle s’en môle à un certain degré ; mais dès que le moi désire modifier activement, transformer, embellir ce monde extérieur, ils l’arrêtent, ils l’avertissent comme s’ils n’en avaient que fort précairement le droit et le pouvoir ; de même en effet qu’ils nient la continuité entre le moi et la vie dite de nutrition, de même aussi ils nient la continuité essentielle du moi avec la vie dite de relation ; entre la pensée et l’acte, entre la volonté et l’acte, il y a pour eux un abîme, de même qu’il y en avait un entre la sensation et la pensée. […] L’humanité cessa de tendre à la perfection métaphysique pour laquelle elle n’était point faite ; les sciences profanes et l’industrie, marchant de concert, ruinèrent sur tous les points de la société la pratique chrétienne. […] Cette réhabilitation réelle et l’harmonie qui doit en résulter ne pourront s’obtenir que par la conception nouvelle qui ramène la matière et l’esprit dans la substance de l’être, l’âme et le corps dans l’unité de la vie, l’homme et la nature dans le sein de Dieu, la science et l’industrie dans la religion.

454. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Par une funeste superstition, dont la science elle-même et les savants ne sont pas responsables, on a voulu imposer la forme scientifique à la littérature : on est venu à n’y estimer que le savoir positif. Il me fâche d’avoir à nommer ici Renan comme un des maîtres de l’erreur que je constate : il a écrit dans l’Avenir de la science cette phrase où j’aimerais à ne voir qu’un enthousiasme irréfléchi de jeune homme, tout fraîchement initié aux recherches scientifiques : « L’étude de l’Histoire littéraire est destinée à remplacer en grande partie la lecture directe des œuvres de l’esprit humain ». […] Sous prétexte de progrès, l’on nous ramène aux pires insuffisances de la science du moyen âge, quand on ne connaissait plus que les sommes et les manuels. […] Pour beaucoup de nos contemporains, la religion est évanouie, la science est lointaine ; par la littérature seule leur arrivent les sollicitations qui les arrachent à l’égoïsme étroit ou au métier abrutissant.

455. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

La tendance anti-individualiste de toute éthique s’exprime, avec son maximum de force et de netteté dans la dernière venue des théories morales, la morale — science des mœurs, ou morale scientifique, ou morale sociologique qu’on pourrait appeler aussi morale sociocratique. […] Parfois même elle semble aspirer à une sociabilité supérieure, exemple d’hypocrisie, éprise d’intelligence et de science (Vigny, La Bouteille à la mer, Le Pur Esprit) ; puissante, par la science accrue et la solidarité élargie (Ibsen, l’Ennemi du peuple). […] Delbos : « La science objective des mœurs ne peut produire aucune règle définie qui prescrive à la volonté des fins à choisir — sinon par addition arbitraire. » (Cité par M. 

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