exécute bien vite ce que tu viens de nous promettre ; et ne t’irrite pas ainsi, ne te mets pas en colère contre ton enfant, car il changera par la suite. » La rivalité de Junon et de Vénus, au premier livre de l’Énéide, a certes plus de grandeur ou de gravité, et elle domine tout le poëme ; mais ici les scènes d’un ton moins élevé, qui interviennent comme ressort secondaire, ont beaucoup de grâce ; elles sont d’un jeu habile, ingénieux, et tout le sérieux de la passion va se retrouver dans les effets. […] Cette voix moqueuse de la corneille rappelle assez bien la parole de l’oiseau merveilleux dans les jardins d’Armide. — Mais nous ne sommes qu’au début d’une scène incomparable ; tandis que Jason s’avance, revenons encore à celle qui n’attend que lui : « De son côté, le cœur de Médée ne se livrait pas à d’autres pensées, bien qu’elle fût à chanter avec ses compagnes, et chaque chanson nouvelle qu’elle essayait n’était pas longtemps à lui plaire ; elle en changeait tour à tour dans son inquiétude, et elle ne tenait pas un seul moment ses regards arrêtés sur le groupe de ses suivantes, mais elle les promenait de loin vers les chemins, en penchant de côté son visage. […] Il y aurait encore (mais il ne faut pas abuser même des grâces) à tirer du début du chant suivant l’image des terreurs soudaines de Médée, qui se croit découverte, sa fuite du palais paternel, ses adieux au lit, à la chambre virginale, dans laquelle elle laisse suspendue pour sa mère une boucle de ses plus longs cheveux : c’est à regret que je renonce à ces touchantes scènes, dignes de tout ce qui a précédé115. Réfugiée à bord du vaisseau des Argonautes, elle en redescend pour guider de nuit Jason par la forêt, et sous l’œil du dragon, qu’elle endort, à la conquête des dépouilles du bélier divin : cette scène encore est toute semée de belles images et de poésie.
Nous assistons à une scène conjugale : Rien ne la contentait, rien n’était comme il faut : On se levait trop tard, on se couchait trop tôt ; Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose Les valets enrageaient, l’époux était à bout. […] Ses personnages, retenus un instant derrière le théâtre, accourent tout de suite sur la scène. […] Cela allait si loin que, dans le plus simple et le plus rude de tous, Corneille, le personnage disparaissait souvent, ne laissant à sa place qu’une idée abstraite et morte, sans âme ni figure d’homme, et qu’en changeant les pronoms on pouvait faire de ses plus belles scènes des dissertations philosophiques. […] Horace, acte II, scène ii.
Écoutons-la raconter cette scène d’intérieur, qui précéda de quelques heures l’exil et les agitations de toute sa vie. […] Est-ce regret d’une actrice descendue de la scène avant l’âge, et qui ne peut renoncer sans désespoir aux rôles qu’elle s’était dessinés pour sa vie ? […] Éloignée de Paris, madame de Staël avait besoin de changer de scène. […] Une jeune femme, dont l’imagination enthousiaste anime, colore, passionne toute la nature et toute l’histoire en parcourant la plus grande scène du monde antique, inspire un amour d’admiration plutôt que de cœur à un voyageur anglais qu’elle rencontra à Rome.