Et, disons-le en passant, dans cette mêlée d’hommes, de doctrines et d’intérêts qui se ruent si violemment tous les jours sur chacune des œuvres qu’il est donné à ce siècle de faire, le poète a une fonction sérieuse.
Le repos de l’âme est nécessaire à quiconque veut écrire sagement sur les hommes ; or, nos gens de lettres, vivant la plupart sans famille, ou hors de leur famille, portant dans le monde des passions inquiètes et des jours misérablement consacrés à des succès d’amour-propre, sont, par leurs habitudes, en contradiction directe avec le sérieux de l’histoire.
Sa politesse est compassée, et je le soupçonne fort d’avoir été de ceux qui sont frivoles dans le sérieux et pédants dans le frivole ; mais c’était certainement un homme de beaucoup d’esprit, établi sur ce pied-là dans le monde, ayant commerce avec ce qu’il y avait de plus considérable dans les lettres et à la cour, désigné par l’opinion, à un certain moment (de 1649 à 1664), pour un arbitre ou du moins pour un maître d’élégance. Son tort fut de prendre trop à la lettre et trop au sérieux ce rôle délicat, et de pousser à bout ce qui ne doit être qu’effleuré, ce qui doit être renouvelé toujours. […] L’honnête homme alors n’était pas seulement, en effet, celui qui savait les agréments et les bienséances, mais il y entrait aussi un fonds de mérite sérieux, d’honnêteté réelle qui, sans être la grosse probité bourgeoise toute pure, avait pourtant sa part essentielle jusque sous l’agrément ; le tout était de bien prendre ses mesures et de combiner les doses ; les vrais honnêtes gens n’y manquaient pas. […] On peut conjecturer, par quelques passages des Lettres du chevalier, que Voiture, cet aimable badin, l’avait moins pris au sérieux que n’avait fait Balzac, et qu’il en était résulté quelque pique d’amour-propre entre eux. […] Un mot d’une lettre de Scarron, si on y attachait un sens sérieux, ferait croire qu’il avait été hérétique dans sa jeunesse58.