La France de Voltaire souffrait d’être amputée de sa foi comme la Jeune France républicaine d’être amputée de ses rois. […] Cet héritier de cent rois est obligé, par intervalles, de s’arracher aux génuflexions, aux baise-mains, à l’étiquette de Versailles, installé dans une arrière-boutique de bistro, pour venir, les manches retroussées, servir à la clientèle interlope, filles en cheveux et rôdeurs en savates, le litre à douze. […] S’ils gardent à Marie-Antoinette, sanctifiée par ses malheurs, une sorte de vénération sacrée, s’ils se lamentent sur le sort du roi-martyr, ne peut-on pas douter de leur sincérité quand on lit sous la plume de Villiers de l’Isle-Adam : « Les rois même défunts ont une manière parfois bien dédaigneuse de châtier les farceurs qui osent s’octroyer l’hypocrite jouissance de les plaindre » ? Il est vrai que les rois vivants savent aussi emprunter, pour se défendre, le concours de la Providence. […] Comment l’Église eût-elle accueilli Joséphin Péladan, qui se disait issu des rois mages et qui, avec sa crinière d’astrakan, sa barbe cannelée, ses mandements au pape et sa phraséologie assyrienne, se plaisait à jouer le rôle d’épateur de peuples ?
L’inimitié de Colbert, le peu d’habileté de La Fontaine à faire sa cour, un talent peu fait pour être apprécié par le roi, de petites pièces qui paraissaient successivement, ne pouvaient avoir l’éclat d’un grand ouvrage, et semblaient manquer de cette importance qui frappait Louis XIV ; des contes un peu libres, dont on avait le souvenir dans une cour qui commençait à devenir dévote : toutes ces circonstances s’étaient réunies contre La Fontaine, et l’avaient fait négliger. […] Ce vers, dont le tour est très-hardi, est fort beau pour exprimer la rapidité avec laquelle Louis XIV fit plusieurs conquêtes, celle de la Franche-Comté, par exemple ; le secret du roi avait été impénétrable jusqu’au moment où l’on se mit en campagne. […] … Je sais que la vengeance Est un morceau de roi, car vous vivez en dieux. […] Elle était fille du roi et de madame la duchesse de la Valière. […] Un sage assez semblable au vieillard de Virgile, Homme égalant les rois, homme approchant des dieux, Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille.
L’histoire s’extasie volontiers sur Michel Ney, qui, né tonnelier, devint maréchal de France, et sur Murat, qui, né garçon d’écurie, devint roi. […] Aussi, ce labeur accompli, est-il permis d’en être fier ; et — s’il est vrai que Murat aurait pu montrer avec quelque orgueil son fouet de postillon à côté de son sceptre de roi, et dire : Je suis parti de là !