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488. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Le comique inconscient, qui est le plus répandu, est le comique d’un personnage qui est ridicule sans se douter aucunement qu’il le soit. […] Il consiste en ceci qu’un homme est ridicule et sent qu’il l’est, plus ou moins, et ne peut pas s’empêcher de l’être et de continuer de l’être. […] On sent assez que Chrysale est comique et qu’il se sent comique, qu’il est ridicule et qu’il se sent ridicule. […] Nous obtenons du ridicule conscient quand nous avons affaire à quelqu’un qui est assez faible pour être ridicule et assez éclaire sur lui-même pour savoir qu’il l’est. […] Il est railleur, il est spirituel, il est « le fléau du ridicule » ; mais il ne mêle pas une douce sensibilité à ses gaietés ou à ses malices.

489. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

On pourrait presque affirmer qu’avant le Cid et avant le Menteur, ou plutôt avant les Précieuses ridicules, il n’y a pas de tragédie ni de comédie proprement dite. […] Il en a fait Métaphraste, Pancrace et Marphurius. « Oronte est une variante ingénieuse de la même figure : le poète ridicule, homme du monde et même homme de cour. […] La poétique de ce répertoire exige que l’homme qui aime, passé quarante ans, soit ridicule et soit bafoué ; et Molière n’a point voulu qu’Arnolphe échappât à la règle. […] Tout en faisant Arnolphe ridicule, il le fait beaucoup plus passionné, plus pris par les sens et par le cœur, plus cruellement mordu que ne le sont communément les barbons amoureux de l’ancien théâtre. […] Il vit dans le bleu ; il est bon, il est heureux, et il n’est, après tout, ni sot ni ridicule.

490. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

C’est l’écrivain qu’il met en regard de « cette perfection du bien dire, laquelle consiste plus en la rondeur, en la netteté et en la simplicité du langage, avec quelque ornement, quand la matière l’exige, que non pas en ces sottes et ridicules affectations d’hyperboles extravagantes, de manières recherchées de s’expliquer, qui sont nouvelles parce qu’elles sont sauvages et monstrueuses. » Il y poursuit et y signale avec une sagacité qu’éclaire un vrai savoir, et que la passion rend cruelle, toutes les formes qu’affecte cette éloquence sans sujet, sans chaire, sans tribune, sans barreau. […] C’est Euripide disant de Polyxène qu’en tombant sous le couteau elle prit grand soin que sa chute fût honnête, et ajoutant, par l’effet de ce défaut, « qu’elle cacha les parties qu’il faut couvrir aux yeux des hommes. » C’est Balzac disant au roi, après des paroles plus enflées que solides, « qu’il ne faut plus qu’il parle d’agir puissamment, et de ne faire des coups d’Etat qu’avec la reine. » Il se moque de ses ridicules comparaisons : « Il n’y a de reptiles en mon jardin que des melons. » Il blâme le défaut de variété, la stérilité, le retour des mêmes idées et des mêmes mots. […] Ce soin du langage, après avoir fait la réputation de Balzac, donnait naissance au purisme, qui en est le ridicule.

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