Il y a en effet les paroles, expression des pensées, et un musicien invisible qui les accompagne avec un instrument sans nom, plus riche, plus doux et plus mélodieux que le plus parfait qui ait été fabriqué de main d’homme. […] Chez lui tout est combinaison, habileté, travail ingénieux ; il lui manque « la veine riche », sans laquelle, au dire d’Horace, qui s’y connaissait, le travail ne peut rien135. […] L’imagination, chez lui, n’est pas riche, mais partout où elle doit avoir part à l’œuvre, il la trouve à son commandement. […] Elle y paraît étrangère, comme le sont, dans sa langue naturelle et simple, certaines expressions tirées du vocabulaire romanesque du jour, que la mémoire inattentive de l’écrivain emprunte à de moins riches que lui.
De pareils redoublements de phrases renflent les chapitres sur le palais muet, obscur et splendide que traverse à pas hésitants Gwynplaine promu Lord Clancharlie ; il en est ainsi dans les Misérables, à ce tableau de l’éclosion printanière dans le jardin inculte, où se déroulent les amours de Cosette et de Marius ; et les vers du poète sont aussi riches que sa prose en ces tentatives redondantes, ces perpétuels retours du burin à graver et regraver le même trait en de diverses et fantasques lignes. […] On relève sans peine, en peu de pages : « Au grand soleil couchant horizontal et sombre ; miroir sombre et clair ; sérénité des sombres astres d’or. » Les romans sont riches en ces contrastes purement verbaux, notamment certaines oraisons comiques et grandiloquentes dans l’Homme qui Rit, dans les Misérables la plupart des dissertations générales, parmi lesquelles il faut relever celle sur l’antithèse entre les pénitences du couvent et l’expiation du bagne. […] Sur des thèmes comme ceux-ci : la nature révèle Dieu ; il faut faire l’aumône ; l’argent que coûte un bal serait mieux employé en charités ; les riches ne sont pas toujours heureux ; il faut se contenter de peu ; les malheurs de l’exil ; il est beau de mourir pour la patrie, etc., etc., M. […] Que l’on relise une pièce comme Dieu est toujours là ; on y verra exposés avec la plus irritante certitude, ces aphorismes ; l’été est chaud, le pauvre humble, l’orphelin doux et triste, les chaumières fleuries, le riche charitable, les enfants « innocents, pauvres et petits ».
Il a traduit notamment les chœurs dans une langue aussi riche et aussi colorée qu’elle est fidèle ; M.