C’est alors qu’il revint par Athènes, et qu’il y reçut une seconde sensation et impression aussi forte que celle qu’il avait éprouvée en Espagne : l’effet même, tel qu’il en juge aujourd’hui, lui paraît avoir été plus décisif et plus profond. […] Il revint à Paris, vêtu en Arabe, coiffé du fez, chargé du burnous et, sur l’impériale de la diligence depuis Châlons, tenant entre les jambes une jeune lionne qu’on lui avait confiée. […] D’Albert est guéri ou semble l’être, ce qui, à la longue, revient au même : Fortunio le remplace.
Repoussé avec politesse et réserve, il en revint à sa première pensée, la plus naturelle, d’agrandir le royaume du côté des frontières du Nord ou de l’Est, et il échappa ainsi au péril d’aller chercher trop loin gloire et succès au Midi, en Italie, et de verser, comme au temps de François Ier, de l’autre côté des monts, hors de portée de la France. […] Il s’agissait de revenir sur ces aliénations, sous quelque prétexte que ce fût, et de revendiquer le droit que prétendaient les nouveaux évêques sur tous ces anciens vassaux plus ou moins émancipés. […] La foudre, pour être tombée sans bruit et sans éclair, n’en parut que plus prodigieuse. « Tout le monde, écrivait-on de Wurizbourg quelques jours après au baron de Montclar, ne peut revenir de la consternation où l’on est de ce que les Français ont pris Strasbourg sans tirer un seul coup ; et tout le monde dit que c’est une roue du chariot sur lequel on doit entrer dans l’Empire, et que la porte de l’Alsace est fermée présentement. » Cette roue de chariot peut paraître un peu hardie et hasardée : mais ce qui est certain, c’est que la porte, hier encore ouverte sur la terre française, se fermait pour ne se rouvrir désormais que dans le sens opposé.
Son grand-père était sous-préfet à Rocroi, en 1814-1815, sous la première Restauration ; son père, avoué de profession, aimait par goût les études ; il fut le premier maître de son fils et lui apprit le latin : un oncle revenu d’Amérique lui apprenait l’anglais en le tenant tout enfant sur ses genoux. […] Revenu à Paris et comptant sur une classe de troisième en province (ce qui n’était certes pas une ambition bien excessive), il se vit nommé chargé de cours de sixième à Besançon. […] Il me faut pourtant dire un mot de sa méthode et y revenir ; je ne vise en ce moment qu’à le faire mieux connaître dans son ensemble et à discourir sur lui dans tous les sens.