» Peut-être un jour reviendrai-je sur la tragédie considérée dans son : ensemble, dans sa vie complète et sa carrière tant de fois recommencé et signalée par tant d’exploits, de grandes journées et de monuments. […] Et ce ne sont pas là de simples manières de dire ; dans les proses, liturgiques latines les plus-anciennes qui se chantaient et se chantent encore à Pâques, le chœur où les disciples s’adressent brusquement à Marie-Madeleine qui revient du sépulcre et qui ; la première, a vu Jésus ressuscité : « Dic nobis, Maria… Dis-nous, Marie, qu’as tu-vu sur le chemin ? […] Puis il revient presque aussitôt sous une autre, forme, sous celle d’un serpent qui monte à l’arbre, et ce n’est qu’après l’avoir écouté de nouveau et avoir fait mine de lui prêter l’oreille qu’Ève présente la pomme à Adam.
Cette pièce, assurément, n’était pas la seule en son genre ; il y en eut sans aucun doute plus d’une sur le même sujet depuis, le xiie siècle, et chaque fois qu’on y revenait ( on peut le conjecturer sans crainte) le sujet était traité avec un développement croissant, était poussé plus loin. […] Louis Paris m’a forcé d’y revenir, j’en profiterai pour trouver de mon côte, par une sorte d’émulation et par contraste, les images et les comparaisons naturelles qui rendent pour moi l’effet produit par cette série de scènes et de journées, mises bouta bout, dont l’assemblage constitue un Mystère. […] Dans tous les cas, et pour revenir à une image plus honorable, ne comparons jamais une suite de sculptures en bois, régnant autour des murs d’un chapitre ou d’un réfectoire, au groupe du Laocoon.
Israël et le Magnificat ; que tout ce qu’il y a de poésie dans le culte chrétien, l’encens, les chasubles brodées d’or, les longues processions avec des fleurs, léchant, le chant surtout aux fêtes solennelles, grave ou lugubre, tendre ou triomphant, l’a vivement exalté ; qu’il a respiré cet air, vécu de cette vie, et que, par conséquent, il a dû pénétrer plus avant dans le sens et l’intelligence de la musique chrétienne que beaucoup de jeunes gens qui, nourris des traditions de collège et ne voyant dans la messe qu’une corvée hebdomadaire, ne se seraient jamais avisés d’aller chercher de l’art et de la poésie dans les cris inhumains d’un chantre à la bouche de travers. » Et plus loin, insistant, sur le caractère propre, à ces chants grandioses ou tendres, et qu’il importe de leur conserver sans les travestir par trop de mondanité ou d’élégance, devançant ce que MM. d’Ortigue et Félix Clément ont depuis plaidé et victorieusement démontré, il dira (qu’on me pardonne la longueur de la citation, mais, lorsque je parle d’un écrivain, j’aime toujours à le montrer à son heure de talent la plus éclairée, la plus favorable, et, s’il se peut, sous le rayon) : « J’ai dit tout à l’heure, en parlant du Dies iræ, que je ne connaissais rien de plus beau ; j’ai besoin d’y revenir et de m’expliquer. […] comme il manie les masses vocales et instrumentales ; quel bonheur dans le retour du mot Credo qui revient incessamment après chaque période musicale, comme une énergique et solennelle affirmation 1 quelle force ! […] A côté de la dignité, n’oublions jamais cet autre sentiment inspirateur, au moins égal en prix, l’humanité, c’est-à-dire le souci de la misère, de la souffrance, de la vie insuffisante et chétive du grand nombre ; revenons en idée au point de départ et aux mille entraves qui arrêtent si souvent à l’entrée du chemin, pour en affranchir peu à peu les autres ; inquiétons-nous de tout ce qu’il y a de précaire dans toutes ces existences qui ne se doutent pas qu’elles s’appellent des destinées.