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456. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

De même que ceux qui voulaient la délivrance et la liberté en 89, eurent un moment d’ineffable joie et d’espérance trop tôt déçue, trop tôt souillée par des excès, et qu’ils virent le plus cher de leurs vœux se tourner en mécompte, de même bien des esprits sages, modérés, tolérants ou même religieux de sentiment et d’intention, ouverts à la haute pensée de la civilisation renaissante, qui se réjouirent de la réconciliation de la religion et de la société en 1801, et qui y poussèrent ou y applaudirent, eurent bientôt à revenir de cette satisfaction première, et quelques-uns, s’ils vécurent assez, purent douter s’ils n’avaient pas erré. […] Peu importe ici la part qui revient à chaque groupe complice : tout cela se confondait pour le dehors dans un même esprit et une collaboration commune. […] Aussi l’impopularité du Clergé vers 1827 était-elle au comble ; ce siècle qui, à son aurore, avait applaudi et tressailli de joie à la restauration du culte, en était revenu à la haine du prêtre ; l’insulte s’attachait à l’habit90. […] On revint de cette première méprise ; l’Université regagna peu à peu son rang, ses droits, son autonomie que de zélés et loyaux ministres94 lui maintiennent et s’efforcent chaque jour d’accroître et d’affermir.

457. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Antoine de Latour, au nom du duc de Montpensier, écrivait à Gavarni, à la date du 25 janvier 1848 : « Il est revenu à Son Altesse Royale que la reine Victoria s’étonnait de ne pas vous avoir encore vu. […] Quand il revint en France, sur la fin de l’été de 1851, il était riche d’observations, plein de sujets, plus que jamais rompu à la science du dessinateur, capable d’oser et d’entreprendre en dehors même du champ aimable et si varié qu’on lui avait reconnu jusque là pour son domaine. […] Mais n’insistons pas trop sur cette philosophie amère qui n’est pas une habitude, qui n’est qu’une extrémité de la pensée dernière de Gavarni, et revenons avec lui à de plus amusantes satires. Il est passé, le temps des amours légères et des espérances, et aussi des crayons légers ; parmi ceux qui me reviennent à l’esprit en ce moment, il en est un plus agréable encore et plus riant que tous les autres : c’est, dans un album des Mélodies de Mme Gavarni, l’un des dessins intitulé Chanson et le jeune adolescent qui la personnifie ; grâce, gaieté, fraîcheur, lumière, tout ce qui rit à la vie est dans ce dessin-là.

458. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Un autre point sur lequel je dois revenir, un trait qui est essentiel chez Mme Roland, c’est celui qu’a accusé Fontanes et qu’elle-même a marqué dans ses Mémoires, le sentiment de la place inférieure qu’elle avait longtemps occupée dans la société et dont elle avait souffert. […] Il fallut près de soixante ans encore pour que Ponsard, dans sa Charlotte Corday, produisant ces hommes sur la scène, leur fit tenir un mâle langage et revînt par la tradition cornélienne à une sorte de vérité révolutionnaire. […] Sa plus grande ambition littéraire (et ce n’en est pas une petite en effet) eût été de s’exprimer à l’imitation de Tacite ; elle revient à cette idée à plus d’une reprise dans sa prison, et avec des alternatives de regret ou d’espérance : « Si j’échappe à la ruine universelle », écrit-elle à un ami, « j’aimerai à m’occuper de l’histoire du temps ; ramassez de votre côté les matériaux que vous pourrez. […] Dans une seconde lettre de Buzot, du 3 juillet, Mme Roland revient sur la même idée d’un contentement austère au sein de la captivité, et elle l’exprime avec une rare noblesse : « Mon ami, ne nous égarons pas jusqu’à frapper le sein de notre mère en disant du mal de cette vertu qu’on achète, il est vrai, par de cruels sacrifices, mais qui les paye, à son tour, par des dédommagements d’un si grand prix.

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