Cela est peut-être plus humain, plus près de la réalité, mais on touche du doigt le changement qui s’est opéré dans la manière de se représenter la vie. […] La théopneustie représentait une vérité considérable que l’Église a toujours eu le besoin d’affirmer : celle de la présence réelle et de l’autorité divine. […] Il ne fallut rien moins que l’effort de spiritualisation religieuse représentée par Vinet d’une part, le développement de la science critique tel qu’il s’accomplissait en Allemagne et qu’il fut un instant représenté par Scherer, de l’autre, pour abattre la construction théopneustique et faire distinguer, dans la Bible, entre la Révélation religieuse et son document. […] S’attacher à la réalité historique du Seigneur, le prendre tel qu’il se donne, le recevoir tel qu’il se montre, laisser tous les systèmes pour n’interroger que lui, se méfier des notions préconçues pour se fier à lui seul, oser se placer en sa présence pour recevoir directement l’impression qu’il veut produire, s’abandonner à sa parole, à son individualité, à sa puissance, redevenir comme l’un de ceux qui l’ont suivi dans les bourgades de la Galilée et dans les rues de Jérusalem, le voir, l’entendre et le toucher comme Marie, s’asseoir à ses pieds comme Zachée, l’accueillir dans nos maisons, assister à sa vie et à sa mort, à sa mort et à sa résurrection, fixer le regard sur sa croix, se plonger dans la muette contemplation de ses souffrances et de sa charité, se représenter sans cesse tant de force unie à tant de bénignité, tant d’humilité à tant de grandeur, tant de support à tant de sainteté, pénétrer chaque jour plus avant dans les limpides profondeurs de son enseignement et de son caractère, se baigner dans ces émanations de la vie éternelle qui rayonnent autour de lui, sentir le triomphe qui s’accomplit en lui sur le mal et la mort, laisser, laisser les traits de cet idéal immortel s’imprimer et comme se transcrire sur toute l’habitude de notre être, cette personnalité sublime façonner notre personnalité, oh !
Pour cela, il réunit, dans le personnage de Phèdre, la passion la plus criminelle par définition, et aussi la plus furieuse et la plus irrésistible, — et en même temps la claire conscience de la culpabilité, du démérite, de la souillure, du péché, — et enfin la crainte de Dieu, représenté par le Soleil en tant que Dieu clairvoyant, et par Minos en tant que Dieu punisseur. […] Pourquoi Solness n’est-il pas ce qu’il représente : un écrivain, un savant, un peintre, un sculpteur, un artiste de génie ? […] Longtemps avant la représentation, il ne la conçoit que « représentée ». […] … Et puis, voyez-vous, les comédiens peuvent nous représenter avec une suffisante exactitude des hommes du monde, des bourgeois, ou même des paysans de la banlieue, bref des hommes comme nous ; ils sont forcément moins heureux dans la reproduction d’êtres vraiment primitifs et tout près encore de la nature. […] Car, non plus que la nôtre, la corporation des « gigolettes » n’était représentée que par son aristocratie.
C’est ainsi que Boileau a méconnu Ronsard et qu’Homère a été méprisé par les partisans de Perrault, qui représentaient alors la culture intellectuelle française. […] On nous décrit un fils qui meurt en songeant à sa mère, un fiancé qui ne reverra plus sa fiancée ; on nous dit que le canon gronde ; on nous représente la mêlée humaine, les hommes fauchés, etc. […] Le pin est de tous les arbres celui qui en représente le mieux la ressemblance et la forme. […] Ces oppositions sont excellentes, parce qu’elles représentent exactement les idées, les possibilités, l’idéal que chacun se forme d’une bonne conversation. […] Ceci représente la grande manière de Bossuet ; mais, quand sa pensée se resserre, il précipite les antithèses, il les accumule, il les fait violentes : Malgré le mauvais succès de ses armes (Charles Ier), si on a pu le vaincre, on n’a pu le forcer ; et, comme il n’a jamais refusé ce qui était raisonnable étant vainqueur, il a toujours rejeté ce qui était injuste étant captif.