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671. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Combien de fois ne l’ai-je pas rencontré l’après-midi, le soir, aux boulevards, sous les arcades Rivoli, toujours seul, jouissant incognito de son empire ! […] Là où il était le mieux à rencontrer et à entendre, le plus à son avantage peut-être, c’était au Cercle des Arts, son lieu d’habitude, où il venait tard et où il se plaisait assez à parler quand un petit nombre de gens d’esprit l’environnaient.

672. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Saint-Simon, au premier bruit de la rechute et de l’agonie, court donc chez la duchesse de Bourgogne, et y trouve tout Versailles rassemblé, les dames à demi habillées, les portes ouvertes, un pêle-mêle confus, et une des occasions les plus belles qu’il ait jamais rencontrées de lire à livre ouvert dans les physionomies des acteurs : « Ce spectacle, dit-il, attira toute l’attention que j’y pus donner parmi les divers mouvements de mon âme. » Et il se met à exercer sa faculté de dissection et d’analyse sur chaque visage en particulier, en commençant par les deux fils du moribond, par leurs épouses, et ainsi par degrés sur tous les intéressés : Tous les assistants, dit-il avec une jubilation de curieux qui ne se peut contenir, étaient des personnages vraiment expressifs ; il ne fallait qu’avoir des yeux, sans aucune connaissance de la Cour, pour distinguer les intérêts peints sur les visages, ou le néant de ceux qui n’étaient de rien ; ceux-ci tranquilles à eux-mêmes, les autres pénétrés de douleur, ou de gravité et d’attention sur eux-mêmes pour cacher leur élargissement et leur joie. […] Des changements de posture, comme des gens peu assis ou mal debout ; un certain soin de s’éviter les uns les autres, même de se rencontrer des yeux ; les accidents momentanés qui arrivaient de ces rencontres ; un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer ; un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux les distinguaient, malgré qu’ils en eussent.

673. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond avait rencontré de ces femmes rares, et on devine bien à qui il pensait lorsqu’il écrivait : On en trouve, à la vérité, qui peuvent avoir de l’estime et de la tendresse, même sans amour ; on en trouve qui sont aussi capables de secret et de confiance que les plus fidèles de nos amis. […] L’ayant, une fois, rencontrée comme elle était dans son carrosse, il fit arrêter le sien, en descendit, et alla chapeau bas la saluer en présence de la foule étonnée.

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