Il ne s’y arrêta dans aucun temps aux difficultés particulières qu’il rencontrait, il en respirait l’esprit général, il en suivait les nombreux courants et les torrents. […] Mais quelle rareté cependant, quelle bonne fortune unique de rencontrer un talent à la fois si élevé, si audacieux de jet, si sublime, et si sûr ; tant d’essor et d’aventure même (pour peu qu’il l’eût voulu) dans la parole, tant de sagesse et de régularité dans le conseil et dans la conduite !
Les idées neuves sont rares en ce monde : on pourrait n’en pas rencontrer une seule dans l’œuvre de plus d’un grand écrivain, qui n’en vaut pas moins. […] Mais il se présente par le livre, et les jeunes gens, comme nous en rencontrons encore dans nos lycées et plus encore dans l’enseignement primaire, dont l’intelligence est restée naïve et comme vierge, ont un respect en quelque sorte religieux pour le livre, dépositaire de la science, qu’ils vénèrent, à laquelle ils aspirent.
Il arrive que, dans cette liberté vagabonde qu’on donnait à sa pensée, lorsqu’on rêvait sur le sujet à traiter, on a rencontré des idées gracieuses, spirituelles, originales : elles ne tiennent peut-être pas de très près au sujet ; il faudra se détourner un peu pour les montrer au lecteur ; elles ne sont pas non plus toujours d’accord avec les vraies raisons ou les faits essentiels, avec le ton ou le sens général du développement. […] Sans compter que ce qu’ils ont de bon est plus difficile à rencontrer chez eux, qui n’excluent rien, que chez les écrivains qui font un choix sévère.