/ 1957
1003. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

On voulait marcher par des voies nouvelles, et l’on n’y rencontrait que des précipices. […] Aristote a rencontré parfois ce bonheur ; et la logique, par exemple, a été construite de toutes pièces par ses seules mains, sans que ce prodigieux édifice eût été préparé par des travaux antérieurs, sans qu’il ait été agrandi ou changé par les travaux qui ont suivi. […] Considérons ce qu’elle peut devenir, lorsque, se livrant tout entière à cette poursuite, elle s’élève par ce noble élan du fond des flots qui la couvrent aujourd’hui, et qu’elle se débarrasse des cailloux et des coquillages qu’amasse autour d’elle la vase dont elle se nourrit, croûte épaisse et grossière de terre et de sable10. » Puis, dans cette sage conciliation que Platon a tentée entre le sensualisme ionien et l’idéalisme de Mégare, il employait la douce ironie qu’il avait apprise de Socrate, à se moquer « de ces hommes semés par Cadmus, de ces vrais fils de la terre, qui soutiennent hardiment que tout ce qu’ils ne peuvent pas palper n’existe en aucune manière ; de ces terribles gens qui voudraient saisir l’âme, la justice, la sagesse, ou leurs contraires, comme ils saisissent à pleines mains les pierres et les arbres qu’ils rencontrent, et qui n’ont que du mépris, et n’en veulent pas entendre davantage, quand on vient leur dire qu’il y a quelque chose d’incorporel11 ».

1004. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Mme de Sévigné avait fort bien laissé Marguerite au couvent jusqu’à dix-huit ans, et l’on sait que, lorsque la mère et la fille se rencontraient, elles ne pouvaient s’entendre. […] La « faculté maîtresse » peut, en effet, se rencontrer aussi bien chez un galfâtre que chez un homme de génie. […] Ce dont vous faites un mérite à un trafiquant ou à un homme politique, pourquoi votre pudeur s’en offenserait-elle quand vous le rencontrez chez un artiste ?

1005. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Quand on rencontrait devant soi Philippe d’Orléans, on croyait tenir le chef-d’œuvre du genre. […] On y rencontrait, par exemple, un Louis XVI qui n’était peut-être pas exactement le Louis XVI de la réalité ; mais, d’un autre côté, il y débordait un si grand nombre de vérités qu’elles y faisaient fleuve et emportaient tout ce qui n’était pas rigoureusement la vérité même, et qu’on resta frappé, presque à l’égal de ces vérités qui révélaient une réelle histoire, du double talent de moraliste et de peintre qui révélait un véritable historien. […] Ces souillures qui ont taché la France : Marat, Danton, Robespierre, et tant d’autres noms hideux ou bouffons qu’il rencontra dans son histoire, des mains dévouées, des mains habiles, avaient tenté déjà et tenteront encore de les éponger et de les essuyer ; mais, tant qu’il restera une mémoire, l’indélébile tache de ces noms rongera, comme une lèpre, jusqu’à l’idée de République, et voilà pourquoi Cassagnac peignit si à fond ceux qui les portèrent.

/ 1957