Né dans ces massacres et grandi dans ces ruines, Audin eut pour premiers spectacles les malheurs de sa ville natale ; et les premières impressions, qui pétrissent et moulent si bien l’âme d’un homme, qu’elles en arrêtent la forme à jamais, affermirent dans l’enfant lyonnais le christianisme de sa mère, et apprirent à cet être doux, fin et candide qu’il était né et qu’il resta toujours, que la religion avait besoin, dans ce temps-là, pour se défendre, de ces doux auxquels elle a promis l’empire de la terre ! […] Au début d’une vie qu’on connaît à peine, tant elle fut modeste, on s’imagine que l’esprit d’Audin, gracieux, svelte et pur, devait ressembler à l’esprit et à l’âme d’une femme ; mais la religion et l’étude ouvrirent la poitrine à cet enfant bien fait et le développèrent. […] elle a été plus loin, et les siècles se sont recouchés trop tôt dans leur tombe… Mais enfin, à cette heure où la Religion était la première idée des hommes, elle accomplit, l’épée dans la gorge, cet acte de désespoir que le Patriotisme accomplit depuis en 1808 en Espagne, aux applaudissements de tout l’univers. La Religion eut son suprême effort comme depuis l’a eu la Patrie.
L’idée de religion particulière et de secte l’emportait chez lui sur celle de nationalité et de patrie ; et c’est ici qu’on reconnaît combien Henri IV fut un roi vraiment roi, supérieur à son premier parti, et d’un tout autre horizon. […] Je vous somme, au nom de Dieu, de ne nous frauder plus, ou je serai témoin contre vous en son Jugement. » Religion égarée, fanatisme opiniâtre sans doute, et sourd aux raisons de prudence et d’humaine sagesse ; appel, sous le nom du Christ, à la vengeance du sang par le sang ; générosité pourtant et grandeur d’âme, comme il en est en tout sacrifice absolu de soi : c’est ce qui respire en cette scène nocturne, digne des plus grands peintres, et d’Aubigné, qui en a senti toute l’émotion, nous l’a conservée et, on peut dire, nous l’a faite de manière à n’être point surpassé.
L’ombre d’une faute contre la religion vous a fait peur ; vous vous êtes abaissé, et la religion elle-même vous a inspiré les plus beaux vers, les plus élégants, les plus sublimes que vous ayez jamais faits.