Les sept premiers se rapportent surtout à l’époque que nous indiquons et qui, jusqu’en Juillet 1830, doit être regardée comme le moment de vogue de l’auteur. […] Ce sont de petits génies pleurant tout bonnement sur leur torche renversée, mais si bien faits, d’un fini si précieux, qu’on pourrait les regarder à la loupe. […] Théodore Leclercq a très bien peint sa douce paresse et son humeur peu ambitieuse, qui laissait à son observation tout son jeu et toute sa lucidité : « Assez bon observateur, dit-il, positivement parce que je reste en dehors des prétentions actives, je regarde faire, et j’écris sans remonter plus haut que le ridicule, qui est mon domaine, laissant des plumes plus fortes que la mienne combattre ce qui est odieux. » Là où il est le plus charmant et le plus naturellement dans son domaine, c’est quand il peint les légers ridicules dont il ne s’irrite point, mais dont il sourit et dont il jouit, les ridicules des gens qu’on voit et qu’on aime à voir, avec qui l’on joue la comédie sans qu’ils se doutent qu’ils la jouent doublement eux-mêmes.
Avec Bonald, au contraire, on est comme si l’on s’embarquait d’abord sur un fleuve assez peu navigable ; puis le patron vous fait entrer dans un canal, et vous met à bord d’un bateau exactement fermé, où l’on descend et où l’on est sans plus voir la lumière ni le ciel, et l’on ne peut sortir la tête et regarder sur le pont que par intervalles, pour apercevoir en effet d’assez hautes et grandes perspectives, mais en regrettant de les perdre de vue si souvent. […] Nous ne nous sommes jamais vus ; mais je le regarde comme un de nos plus beaux génies, et m’honore de l’amitié qu’il m’accordait, et de la conformité de nos opinions. […] Bonald restait ce qu’il avait été dès l’abord, l’homme de la tour et du clocher antique et gothique, tandis que Chateaubriand, livré à ses brillants instincts, se faisait déjà l’homme du torrent : C’est le grand champion du système constitutionnel, écrivait Bonald à Joseph de Maistre en 1821 ; il va le prêcher en Prusse, et n’y dira pas de bien de moi, qu’il regarde comme un homme suranné qui rêve des choses de l’autre siècle… C’est un très grand coloriste, et surtout un très habile homme pour soigner ses succès.
Plusieurs la regardèrent avec admiration : tous avouèrent que, dans la gravité et la douceur de ses yeux, on connaissait la grandeur de sa naissance et la beauté de ses mœurs. […] Le murmure éclatait de toutes parts ; mais le ministre sort et tout se tait : Lorsqu’il monta en carrosse pour s’en aller, toute la cour du Palais-Royal était pleine de cordons bleus, de grands seigneurs, de gens de cette qualité, qui, par leur empressement, paraissaient s’estimer trop heureux de l’avoir pu regarder de loin. […] L’intérêt qui nous aveugle nous surprend et nous trahit dans les occasions qui nous regardent ; il nous fait agir avec plus de sentiment que de lumières, et il arrive même assez souvent qu’on a honte de ses faiblesses ; mais on ne le peut apercevoir que par la sage réflexion que chacun se doit à soi-même, et après que l’occasion de mieux faire est passée.