Laissez dire à ceux qui regardent cette étude comme au-dessous d’eux. […] On a discuté sur la religion de Vauvenargues : il me semble qu’à y regarder de bonne foi et sans prévention, on ne saurait pourtant s’y méprendre.
Frédéric jugeait bien encore des moralistes et philosophes anciens, ou même des poètes philosophes en qui la pensée domine, tels que Lucrèce : « Lorsque je suis affligé, disait-il, je lis le troisième livre de Lucrèce, et cela me soulage. » Pourtant, même dans ce qui faisait l’objet de ses lectures familières, il y regardait si peu de près quant à l’érudition, qu’il lui est arrivé de ranger par mégarde Épictète et Marc Aurèle au nombre des auteurs latins. […] Ce n’était pas seulement un goût naturel qui portait Frédéric vers d’Alembert : « Nous autres princes, nous avons tous l’âme intéressée, disait Frédéric, et nous ne faisons jamais de connaissances que nous n’ayons quelques vues particulières, et qui regardent directement notre profit. » Frédéric avait songé de bonne heure à attirer d’Alembert à Berlin pour le faire président de son Académie.
Le gouvernement, afin d’éviter les querelles indécentes, avait désiré que les journaux gardassent le silence sur Voltaire, lorsque, cinq semaines environ après sa mort, La Harpe, rendant compte dans le Mercure (5 juillet 1778) des pièces que venait de jouer la Comédie-Française, Tancrède et Bajazet, se permit quelques observations sur cette dernière tragédie, regardée généralement, disait-il, comme l’une des plus faibles de Racine. […] Avec tous ses défauts et toutes ses imperfections de nature, donnant en mourant la main à Chateaubriand, à Fontanes, à tout ce jeune groupe littéraire en qui était alors l’avenir, il transmit le flambeau vivant de la tradition, et il justifia le premier pronostic de Voltaire à son égard : « Quelque chose qui arrive, je vous regarde comme le restaurateur des belles-lettres. » C’est le mot magnifique, mais juste après tout (si l’on considère l’ensemble du rôle et de l’influence), qu’il faudrait graver sur son tombeau.