Il le combattait à force d’énergie en évitant de regarder dans le vide ; … mais par moments une force cruelle, irrésistible, le forçait à plonger ses regards dans l’espace béant. […] Il plongeait ses regards dans le vide ; il les emplissait d’espace, de lumière, d’air frissonnant, de lignes superbes, de couleurs merveilleuses. […] Je les aperçois, je les enveloppe du regard ; quand je les classe et les subdivise, j’en aperçois et j’en enveloppe du regard les morceaux et les parties, et ainsi de suite ; mais je ne les saisis jamais en leur fond, en leur substance, en leur cause. […] Et enfin, c’est le chef de la foi, seul dans sa chambre nue, en face du prêtre qui vient défendre sa pensée, sans apparat, sans appareil, son mouchoir sur ses genoux, éclairé d’une maigre lampe, sans ornements, sans geste, presque sans corps, réduit à la parole et au regard ; mais quelle autorité dans cette parole et quelle force surnaturelle dans ce regard ! […] Le regard du Saint-Père, après un mois de séjour à Rome dans le monde ecclésiastique, n’est pas très facile à supporter.
Une grande dame « salue dix personnes en se ployant une seule fois, et en donnant, de la tête et du regard, à chacun ce qui lui revient267 », c’est-à-dire la nuance d’égards appropriée à chaque variété d’état, de considération et de naissance. « C’est à des amours-propres faciles à s’irriter qu’elle a toujours affaire, en sorte que le plus léger défaut de mesure serait promptement saisi268 » ; mais jamais elle ne se trompe, ni n’hésite dans ces distinctions subtiles ; avec un tact, une dextérité, une flexibilité de ton incomparables, elle met des degrés dans son accueil. […] Un parlementaire, comme un seigneur, doit se faire honneur de sa fortune ; voyez dans les lettres du président de Brosses la société de Dijon ; elle fait penser à l’abbaye de Thélème ; puis mettez en regard la même ville aujourd’hui279. […] Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 160. — Il faut noter pourtant, sous Louis XV et même sous Louis XVI, le maintien de l’ancienne attitude royale. « Quoique je fusse prévenu, dit Alfieri, que le roi ne parlait pas aux étrangers ordinaires, je ne pus digérer le regard de Jupiter Olympien avec lequel Louis XV toisait de la tête aux pieds l’homme présenté, d’un air impassible, tandis que si l’on présentait une fourmi à un géant, le géant, l’ayant regardée, sourirait ou dirait peut-être : Oh, quel petit animalcule !
Quand le vent de Libecio agitait les vagues, on voyait frissonner la mer et courir l’écume avec ce sentiment de gaieté et d’immortalité que donne au regard cette surabondante vie et cette renaissante jeunesse des éléments qui semblent vivre et qui vivent en effet d’une nouvelle vie tous les matins. […] Ce bosquet était vide au milieu et laissait une fraîche salle enfoncée sous une obscurité plus épaisse ; les feuilles et les branches y étaient entrelacées tellement que les regards n’y pouvaient pas plus pénétrer que les rayons. […] Léna, qui était encore dans la fleur de la seconde jeunesse, quoique ayant porté déjà ce fruit de printemps, dans cette enfant, aurait pu lutter de candeur et de fraîcheur avec Thérésina ; en sorte que la fille, par sa précocité, atteignait la mère, et que la mère, par sa lenteur à prendre les années, attendait la fille pour ne former, pour ainsi dire, à elles deux qu’une image de ravissante beauté, répétée dans deux visages, et pour enivrer deux fois le regard.