Ici, Madame Récamier n’est pas remplacée, parce qu’elle n’est pas peinte, parce que la personne qui tient le dé pour elle dans ce livre de Souvenirs n’a pas plus pénétré cette femme et ne l’a pas plus reproduite que ne l’aurait fait la première venue qui sait écrire quatre lignes de narration française, dans cette société myope de regard et effacée de langage qu’on appelle la bonne compagnie ; parce qu’enfin sur cette femme, dont la supériorité fait l’originalité la plus rare et la plus exquise, on n’a eu à dire que des banalités élégantes, qui roulent sur tous les parquets depuis qu’il y a au monde des parquets ! […] Pour ceux qui avaient du génie, car elle a été aimée à tous les degrés de l’intelligence, elle fut la Muse, la Muse dont le silence écoute et allume l’éloquence, sur les lèvres qui parlent, avec l’attention du regard.
Les Italiennes, qu’il a tant aimées, les Lombardes, dont il était fou, ne regardent pas plus dans leur cœur, avec leurs longs regards indolents et amoureusement tranquilles, que lui ne regarda dans le sien. […] Quand Stendhal est nettement supérieur, il ne l’est que par la seule vigueur de son expression ou de sa pensée… Si on creusait cette analyse, ou verrait, en interrogeant une par une ses facultés, qu’il a la sagacité, qui est la force du regard, comme il a la clarté brève de l’expression, qui est la force du langage.
Telle est la première règle, et Molière est le poète comique qui a porté le regard le plus pénétrant et le plus ferme dans les ténèbres intimes du cœur humain247.