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382. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il y est reçu comme on sait, et, au sortir de cette représentation où son buste est couronné, il écrit à la présidente de Meynières : « Après trente ans d’absence et soixante ans de persécution, j’ai trouvé un public et même un parterre devenu philosophe, et surtout compatissant pour la vieillesse mourante… » il est séduit, il pardonne ; toute sa colère est tombée. […] Il s’était trouvé présent à Ferney le jour que M. de Voltaire reçut les Lettres de la montagne, et qu’il y lut l’apostrophe qui le regarde ; et voilà son regard qui s’enflamme, ses yeux qui étincellent de fureur, tout son corps qui frémit, et lui qui s’écrie avec une voix terrible : « Ah ! […] qu’il y vienne, répond M. de Voltaire. » — « Mais comment le recevrez-vous ? » — « Comment je le recevrai ?

383. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Un homme de beaucoup d’esprit, dont les idées valaient mieux que les faits et gestes, et qui eut l’honneur de recevoir, depuis, les confidences de Napoléon sur ces matières ecclésiastiques, l’abbé de Pradt, a traité ce sujet dans un livre fort remarquable et digne d’être relu85. […] Ce fut un beau moment dont rien ne saurait effacer l’éclat dans cette première splendeur de l’inauguration du siècle : « Ils ne sont pas encore assez loin pour être oubliés, s’écriait en 1818 un des témoins émus, ces jours alors si nouveaux et si sereins, si inattendus et si consolants, dans lesquels, après tant d’années d’interruption et d’outrages, on vit le culte catholique ramené en pompe dans le même temple où il avait reçu les plus graves insultes, — ramené par la main d’un jeune guerrier qui semblait jusque-là aussi étranger aux choses religieuses qu’il était familiarisé avec la victoire. […] La concurrence parut surtout inégale, lorsque l’instruction publique officielle, aux mains d’un des hommes les plus habiles du parti93, reçut la même impulsion religieuse. […] C’était autrefois une affaire de consulter Rome et d’en recevoir réponse, cela demandait du temps : ce n’est plus qu’un jeu aujourd’hui.

384. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Henri Duveyrier semble avoir reçu de la nature ce don, ce besoin impérieux qu’une éducation spéciale a perfectionné. […] Par ses soins, le consul général d’Angleterre à Tripoli recevra religieusement tout ce que des recherches de plusieurs années peuvent reconquérir sur la cupidité de barbares. […] Othman fait d’abord trois voyages en Algérie, et, entre chacun de ces trois voyages, il conduit des explorateurs français dans son pays ; enfin, pour couronner ses efforts, tendant à des ouvertures de relations, il vient en 1862 à Paris, ville où jamais un Targui n’avait mis les pieds… Homme d’une haute intelligence et d’un grand sens pratique, Othman a surtout remarqué en France ce qui contraste avec le désert : le nombre considérable des habitants, l’abondance des eaux, la richesse et la variété de la végétation, la rapidité et la sécurité des communications, enfin la généreuse hospitalité qu’il y a reçue. […] Presque toutes les femmes savent lire et écrire, dans une proportion plus grande que les hommes ; les jeunes filles reçoivent de l’éducation ; elles disposent de leur main, sauf des cas rares ; dans la communauté, les femmes gèrent leur fortune personnelle et ne contribuent aux dépenses qu’autant qu’elles le veulent.

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