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296. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Delécluze, recueille dans sa vieillesse ses Souvenirs, les publie alors, dépeigne à ses contemporains de ce temps-là les gens avec qui il a dîné trente ou quarante ans auparavant, cherche même à les montrer en laid et à se donner le beau rôle, il n’y aurait rien à cette façon de faire que d’assez simple, d’assez conforme à la loi des amours-propres et d’assez reçu, en effet, dans cette libre et babillarde république des Lettres. […] il vous invite, il vous reçoit chez lui, il est votre hôte, on se livre à son accueil bienveillant, et il ne vous en respecte pas davantage, il vous en épargne d’autant moins. […] Un jour, l’impatience le prenant, il a fait une addition, une somme totale de toutes les petites piqûres qu’il avait reçues, et cela formait une blessure large et profonde qui tout d’un coup s’est découverte : son amour-propre a parlé par la bouche de sa blessure. […] Un de nos amis les plus maltraités, les plus insultés dans ce volume12, recevait, en mai 1853, une lettre de M. de Pontmartin, datée du journal l’Assemblée nationale, et ainsi conçue : « Monsieur et ancien collaborateur, Pendant que nos rédacteurs en chef se fusillent et s’exterminent du haut de leur premier-Paris, ne serait-ce pas chose agréable et piquante de nous tendre la main à travers les fenêtres de notre rez-de-chaussée ?

297. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

La philosophie omet les détails de l’objet complexe, et ainsi le change en chose abstraite ; elle ne prend dans l’objet particulier que ce qu’il a de commun avec les autres, et ainsi le change en un être général ; elle ne l’observe complexe et particulier que pour l’apercevoir général et abstrait ; elle n’agit que pour altérer, dénaturer, transformer ; elle est un raisonnement continu, où les faits ne comptent que parce qu’ils prouvent des lois, où les êtres n’entrent que pour se résoudre en qualités, où les événements ne sont reçus que pour se fondre en formules ; elle ne part de la connaissance primitive que pour s’en écarter. […] Si le poëte reçoit du philosophe des idées générales et abstraites, c’est pour les transformer en êtres complexes et particuliers ; s’il conçoit la force qui produit une plante, c’est pour dresser dans l’air sa tige frêle et souple, étendre à l’entour des feuilles vertes et brillantes, épanouir au sommet la fleur parfumée, et répandre en son oeuvre le calme et l’harmonie qui ressemblent au bonheur. […] C’est une source fécondante où les lois n’entrent que pour se transformer en événements, où les idées ne sont admises que pour se condenser en objets, où les forces ne sont reçues que pour être déployées en actions. […] Ainsi placée, elle ne sera plus un précepte, mais un fait ; elle recevra la vie du récit dont elle est un membre, et sera active parce qu’elle concourt à une action.

298. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il est donc inexact et faux de dire qu’il ait vécu à l’étranger d’une pension du gouvernement autrichien : il continua de recevoir une indemnité régulièrement garantie et stipulée par des traités internationaux7. […] Il avait eu vent du départ, et s’était glissé à bord d’un des avisos qui devaient faire partie de l’escadre ; mais cet aviso, sur lequel il était monté, ayant reçu ordre précisément de rentrer au port, Blanc se jeta dans une barque et gagna la frégate La Muiron, sur laquelle était le général en chef. […] Le talent proprement dit, l’art d’écrire lui vient chemin faisant ; il dira à propos des sépulcres restés vides, qui furent construits près de Jérusalem par Hérode le Tétrarque : « Alors, comme à présent, il y avait des grandeurs passagères ; et des tombeaux promis et élevés ne recevaient pas les cendres qui devaient les occuper. » Mais c’est l’Égypte surtout qui est le but où tend le voyageur ; il y retrouve, en y mettant le pied, les souvenirs présents et les émotions héroïques de sa jeunesse. […] Les restes du maréchal Marmont, arrivés à Châtillon-sur-Seine le 3 mai 1852, y ont été reçus avec tous les honneurs militaires dus à son rang, et avec des témoignages unanimes d’affection et de sympathie de la part d’une population qui ne l’avait jamais oublié ni méconnu.

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