À l’époque où le jeune poète rêvait son épopée, la dynastie mérovingienne n’avait pas encore été étudiée sérieusement ; Augustin Thierry n’avait pas retrouvé, ressuscité la première race. […] On se demande avec effroi à quelle race appartient cette créature qui parle de Dieu en souriant, et qui pourtant s’émeut et s’attendrit en présence des merveilles de la création. […] Les strophes de la nouvelle Marseillaise, qui célèbre la délivrance de la race africaine, qui prêche le pardon, la concorde, sont écoutées avec distraction. […] Quelle que soit l’opinion de la science moderne sur l’origine des races humaines, la Genèse rattache toutes les races à une seule famille. […] Isaac, familiarisé avec les sciences de l’Europe, ne peut avoir gardé les préjugés de sa race.
Ceux qui représentent le génie d’une race doivent être respectés préalablement. […] Les Français finissent par s’apercevoir qu’elle altère l’essence même de la race, qu’elle donne à la nation des défauts, des travers, des vices nouveaux, que celle-ci n’avait pas ou qu’elle avait à peine ; qu’elle change l’aspect de la nation. […] Notre race est idéaliste, foncièrement, et beaucoup plus qu’elle ne le croit, parce qu’elle a de l’imagination, et beaucoup plus d’imagination aussi qu’elle ne le croit et qu’on ne le croit. […] Sa race spirituelle était là, entre Stuart Mill et Spencer. […] Le pauvre petit, rejeton dégénéré d’une forte race, est adoré de la pauvre vieille tombée en enfance.
Si d’ailleurs nous avons en nous le pouvoir de résister à celui des grandes causes, et d’équilibrer la pression de la race, par exemple, ou celle du moment, c’est ce que je n’examine point, et j’en laisse volontiers le problème à la métaphysique. […] Et de là cette conséquence : que, fût-elle un « produit » de la race, du moment ou du milieu, l’individualité, rien qu’en s’y mêlant, modifie l’action des grandes causes. […] Quelques-grands écrivains, j’y consens, — Voltaire ou Bourdaloue, dont nous parlions tout à l’heure, — peuvent bien être considérés comme l’expression de leur race ou de leur temps, quoique, si leur individualité n’a rien de très singulier, cependant elle soit déjà rare. […] Mais l’amour allemand ou anglais, s’il tend sans doute aux mêmes fins que l’amour français, il en diffère pourtant de tout ce que la race, la religion, la constitution de la famille, la manière de vivre, que sais-je encore ? […] Puisque donc chacun de nous revit en abrégé l’histoire entière de sa race, étant l’enfance de la langue ou de la littérature, la littérature et la langue du moyen âge sont ainsi celles de l’enfance.