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391. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Cette invraisemblance se trouve de la sorte plus facile à accepter pour tout lecteur naïf, que ne le serait souvent une réalité plus serrée de près et plus motivée. […] Goldsmith, dans son délicieux poëme du Village abandonné, a peint l’idéal de tous ces curés modestes, de ces vicaires bienfaisants, dont il a reproduit ensuite le portrait avec plus de réalité, mais non moins de charme, dans son Vicaire de Wakefield. […] Avec ces nombreuses familles, ou même sans cela, la réalité était parfois pour eux moins fleurie que le rêve du poëte. […] … Lamartine ou Jocelyn, comme on le voudra, a un optimisme serein et supérieur, qui, dans la réalité de tous les jours, pourrait ne pas se vérifier aisément, mais qui reprend son courant général de vraisemblance à mesure que la sphère s’épure et que l’horizon s’élargit.

392. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Aujourd’hui, nous avons ce choix : — ou bien un théâtre, des décors, des acteurs : des demi trompe-l’œil, l’apparence d’une forêt et les planches, ni convention pure, ni représentation artistique complète de la nature ; et les acteurs, des hommes nécessairement difformes, incapables de faire admettre qu’ils sont les dieux qu’ils singent, et ne nous laissant plus qu’ils sont simplement des porte-parole ; avec les décors de notre Opéra et les acteurs de Meiningen, un compromis entre une convention et une réalité, le faux par définition ; — ou bien le concert, c’est-à-dire nulle prétention de représentation, mais le champ libre à la conception, l’espace grand ouvert à la réalité supérieure des forêts et des hôtes divins qu’en nous suscitera l’imagination : car cette musique c’est un décor, la nuit est dans la musique où Siegmund solitaire contemple le foyer éteint, et cette musique c’est encore les personnages, je vois (et combien plus beau que M.  […] A Bayreuth se manifeste son idéal devenu une réalité, un fait comme nul pareil n’a été depuis le temps des Grecs. […] … L’illusion longtemps caressée était devenue réalité ; l’impatience longtemps contenue s’apaisait un soir et renaissait le lendemain.

393. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

C’est, enveloppée au baiser d’un fleuve de poésie, une île de réalité perfide. […] La réalité où se brisent ses flots chanteurs est dressée avec quelque effort peut-être, mais avec un effort triomphant. […] « Sur les confins extrêmes des réalités sensorielles », cette incantation puissante « découvre à l’âme humaine son infini nostalgique ». […] Dès les premiers pas, comme une rose épineuse et hautaine j’ai aimé ce mot de satirique méprisant adressé aux inintellectuels : « Un certain bétail à pain » — Voici, bientôt après, une liane jolie, souple et solide et qui devrait lier mes fleurs, si j’essayais un bouquet « Ce livre est un document humain transporté dans le Rêve. » — Et nous sourient, en effet, de rêveuses corolles : « Les voix blanches qui parlent une langue invertébrée, dont aucun vocable ne s’efforce vers la réalité dure. » — « Quand tu parles, c’est tout bas, afin que le silence assourdissant se taise et ne décoordonne pas la moire des souhaits naissants. » — « J’ai permis que mes sentiments luttassent d’analogie avec les nuages dont me plaisent les bornes imprécises et l’indécision des formes. » Voulez-vous des beautés de précision ?

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