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44. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Tite-Live est un historien qui a un génie d’orateur, et de cette seule qualité ou faculté prédominante M.  […] Et à cette distance, Plutarque même en main et avec quelques fragments des écrits de Caton, avons-nous bien mission et qualité pour venir contredire et redresser Tite-Live sur ses portraits ? […] J’en conclus que, s’il est si difficile, même de près, de saisir la qualité dominante chez un de nos contemporains, il est bien plus difficile, ou, pour mieux dire, tout à fait impossible de prétendre la retrouver et surtout la contrôler, la rectifier avec certitude, à une telle distance, chez les personnages de l’histoire de Tite-Live ou chez l’historien lui-même. […] Il ne garde de ses défauts que les qualités. […] Il a été piquant sans remords, il a eu par instants une sorte de raillerie amère, celle des esprits vigoureux et sévères : vigueur et amertume, les anciens ont toujours aimé à rapprocher ces deux qualités parentes.

45. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Il est d’autres qualités encore qu’il omet et dont on peut chercher l’indication précise dans l’admirable Testament politique de Richelieu ; je m’en tiens à celles que M. Guizot propose, et je me demande hardiment, en me retournant vers lui, et à la clarté des événements, quelles de ces qualités il avait lui-même, et quelles lui ont manqué. […] de ces diverses qualités et conditions, réputées par lui essentielles dans un homme de gouvernement, la seconde, la fécondité de l’esprit, lui a manqué ; il n’a su que résister avec une obstination magnifique, sans varier les moyens, sans trouver les ressources ou les expédients. Il a possédé au suprême degré la quatrième des qualités, la puissance de la parole ; il n’a pas eu l’intelligence sympathique des idées générales et des passions publiques, ou du moins il l’a eue en partie, seulement pour ce qui est des idées, mais plutôt au rebours en ce qui est des passions et pour les combattre comme dans un duel à mort. […] Molé un portrait des plus délicats, où les qualités du noble personnage sont reconnues et où ses faibles ne sont pas oubliés : une qualité toutefois n’y est pas suffisamment marquée, c’est que M. 

46. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Parmi les accidents qui la distinguent de son espèce, il dégage la forme commune qui la range dans son espèce, et ne considère en elle qu’une qualité et qu’un nom. […] Nos personnages ne seront que des vices, des vertus, des qualités pures, sous des noms de plantes et d’animaux. […] On fera comme la nature, qui jette à profusion les qualités sur chaque objet, et ne souffre pas deux choses semblables dans l’univers. […] La violence n’est plus une qualité pure ; elle est devenue un lion, et le lion de La Fontaine. […] Il ne verra dans le lion que l’animal royal, et la noble bête sera toujours majestueuse comme Louis XIV, « qui en jouant au billard conservait l’air du souverain du monde. » Il ne peindra les qualités diverses que pour les rapporter à la qualité principale qui engendre toutes les autres.

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