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1380. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Un caractère digne d’être noté honore en mille endroits ces premiers épanchements d’une vie naturelle et pure : ce sont les sentiments de croyance et de moralité, si familiers, ce semble, à toute jeunesse qu’on ne devrait point avoir à les relever, mais si rares (nous assure-t-on) chez les générations venues depuis Juillet, qu’elles sont vraiment ici un trait distinctif. […] C’est comme qui dirait une apologie de la portion la plus exagérée et la plus pure de la Commune de Paris, qui aurait paru à la veille du 9 thermidor. […] Ceux-ci savent tout du premier jour, ils ne reconnaissent personne, ils sont à eux-mêmes leur propre autorité : statim sapiunt, statim sciunt omnia, … ipsi sibi exempla sunt ; tel n’était point Avitus… » Nous pourrions continuer ainsi avec les paroles du plus ingénieux des anciens bien mieux qu’avec les nôtres, montrer cette ambition honorable que poursuivait notre ami, non point l’édilit comme Julius Avitus, mais la pure gloire littéraire qu’il avait tout fait pour mériter, et dont il était sur le point d’être investi… et honor quem meruit tantum.

1381. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Tout en concevant le dédain qu’auront tout à l’heure les hommes de la Renaissance, et nourris des pures grâces d’Aristophane, pour cette poésie domestique de coin du feu et de cuisine, poésie de ménage et digne du voisinage des Halles, nous ne devons pas le partager. […] Ce sont deux théories, deux tempéraments en présence : d’une part, la théorie de la veine libre et du premier jet, du laisser-aller, de la verve pure et simple quand elle vient et comme elle vient (Régnier ou Alfred de Musset) ; et d’autre part, celle de la verve contenue, élaborée, resserrée et fortifiée par l’art (Malherbe ou André Chénier). […] C’est le meilleur exemple de poésie de pure race, franche du collier, gauloise de suc et de sève, qui s’est trop perdue.

1382. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Curiosité pure ; le besoin physique, la gourmandise n’y est pour rien ; il semble que déjà, dans son petit cerveau, chaque groupe de perceptions tende à se compléter, comme dans le cerveau d’un enfant qui se sert du langage. […] Au gazouillement pur et qui n’était qu’une suite de gestes vocaux a succédé un commencement de langage intentionnel et déterminé. […] Il désigne donc par ce mot le semblant visible d’une figure humaine. — Une pareille distinction est véritablement surprenante ; à cet âge, avec si peu de mots généraux et des notions si restreintes, distinguer l’apparence de la réalité, l’imitation visible de l’imitation tactile, la forme pure de la substance corporelle, cela est inattendu et donne la plus haute idée de la délicatesse et de la précocité de l’intelligence humaine.

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